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8 avril 2025

Interventions de Véronique Lonchamp , responsable du service famille et société de la CEF
sur son angle de vue pour Amoris laetitia

Bonsoir,

Il m’a été demandé pour le 9ème anniversaire d’Amoris Laetitia de vous donner ma vision de cette exhortation. Il y aurait beaucoup de choses à pouvoir développer, j’aurais pu aborder ce soir la notion que « nous sommes tous en chemin » par exemple. Mais s’il y a une chose qui m’interpelle plus particulièrement dans Amoris Laetitia, c’est l’appel du Pape à convertir notre regard pour « tout voir à travers le regard du Christ » (AL3), afin d’accueillir, accompagner discerner et intégrer les personnes.

Qu’est-ce que cela signifie ? c’est « apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes » (EG91). C’est savoir « regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain, qui sait supporter les désagréments du vivre ensemble en s’accrochant à l’amour de Dieu, qui sait ouvrir le cœur à l’amour divin pour chercher le bonheur des autres comme le fait leur Père qui est bon » (EG92), comme il l’explicite dans la Joie de l’Evangile aux numéros 91 et 92 

Ce regard du Christ évoqué dès le numéro 3 d’Amoris Laetitia, ce n’est pas un hasard si nous le retrouvons au n°323 d’Amoris Laetitia, à la fin d’Amoris Laetitia 

« C’est une profonde expérience spirituelle de contempler chaque proche avec les yeux de Dieu et de reconnaître le Christ en lui. Cela demande une disponibilité gratuite qui permette de valoriser sa dignité […] … Jésus était un modèle, car lorsqu’une personne s’approchait pour parler avec lui, il arrêtait son regard, il regardait avec amour (cf. Mc 10, 21). Personne ne se sentait négligé en sa présence, puisque ses paroles et ses gestes étaient l’expression de cette question : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51)[…] cette personne […] mérite tout, puisqu’elle possède une dignité infinie parce qu’elle est objet de l’amour immense du Père. Ainsi jaillit la tendresse, capable de « susciter en l’autre la joie de se sentir aimé ». Elle s’exprime en particulier en se tournant avec attention et délicatesse vers l’autre dans ses limites, spécialement quand elles apparaissent de façon évidente ». (AL 323)

Si ce passage est écrit dans le chapitre sur la spiritualité conjugale, sa portée déborde largement le seul cadre conjugal. Nous sommes appelés à poser sur les autres un regard chrétien, c’est-à-dire, empreint du regard d’amour miséricordieux du Christ. Notre modèle c’est Jésus, Il a rencontré durant sa vie tant d’hommes et de femmes. Il s’est adressé à tous, aux bons juifs, mais aussi aux parias, aux pauvres, aux non-juifs, à des personnes condamnables aux yeux de la loi juive : malades, lépreux collecteurs d’impôts Matthieu et Zachée, femme adultère, femme pécheresse, la samaritaine…

Sur chacun, Jésus, « arrêtait son regard, il regardait avec amour ». Jésus regarde le cœur, l’être dans sa profondeur et non son apparence. Comme le dit le 1er livre de Samuel 16, 7, « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »

Le Pape nous invite à porter nous aussi ce regard sur « ceux qui participent à sa vie de manière incomplète » (AL291), avec ce regard qui voit la personne, et plein de miséricorde.

  • Un regard qui voit la personne : Jésus voit la personne et non un « cas » !

Le Pape dans Amoris Laetitia, comme nous le dit le Cardinal Schönborn, nous invite à avoir  

« un profond respect face à tout homme qui n’est jamais, en premier lieu, ‘un cas problématique’ dans une ‘catégorie’, mais une personne unique, avec son histoire et son parcours avec et vers Dieu…. Ces paroles sont valables pour tous les hommes, pour tous les mariages et pour toutes les familles. En effet, tous sont en en chemin, et tous ont besoin de ‘discernement’ et d’accompagnement’ ».

Ce regard du Christ nous révèle la pédagogie divine : Le Christ vient à la rencontre de chacun, il accompagne tels les disciples d’Emmaüs, avec patience, amour et miséricorde. La pédagogie divine s’attache à discerner chez les personnes une pratique du « bien » qui leur permettra de progresser sur un chemin de conversion. La pédagogie divine, invite à construire à partir de ce qui va bien, à se mettre en route, à grandir petit à petit

Avec la pédagogie divine, les difficultés conjugales et familiales même les pires ne sont pas un naufrage définitif. Toutes les situations familiales même blessées, … peuvent être référées à la présence et à l’amour du Christ gracieusement accordés à tous. 

« Ce sont des baptisés, ce sont des frères et des sœurs, l’Esprit Saint déverse en eux des dons et des charismes pour le bien de tous », ils sont « membres vivants de l’Église » (AL 299)

La grâce de Dieu nous précède, nous avons à en être « des facilitateurs » :

« Illuminée par le regard de Jésus Christ, l’Eglise « se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète, tout en reconnaissant que la grâce de Dieu agit aussi dans leurs vies, leur donnant le courage d’accomplir le bien, pour prendre soin l’un de l’autre avec amour et être au service de la communauté dans laquelle ils vivent et travaillent ». (291)

Aussi « Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. » AL 310

  • Plein de miséricorde. Jésus pose un regard plein de miséricorde

Le Pape place cette exhortation dans le cadre de l’année de la Miséricorde et cela non plus n’est pas un hasard.  Car non seulement la famille est un lieu où s’exerce la miséricorde, la famille est signe de miséricorde mais aussi, nous sommes appelés à poser un regard de miséricorde sur toutes les situations, mêmes les situations complexes ou « dites irrégulières ».

Il nous rappelle que « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! » AL 297 et que « l’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile » AL310

Il nous inviteà « éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition » (AL 79)

La complexité des situations demande un discernement qui « doit aider à trouver les chemins possibles de réponse à Dieu et de croissance au milieu des limitations. …. « un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés » (305)

« Un discernement pastoral empreint d’amour miséricordieux, qui tend toujours à comprendre, à pardonner, à accompagner, à attendre, et surtout à intégrer » AL312.

Et je conclurai en m’attardant sur les effets du regard aimant et miséricordieux du Christ ; il ne condamne pas mais il remet debout, il rend sa dignité à la personne qui reçoit sa miséricorde ‘‘imméritée, inconditionnelle et gratuite’, il transforme, il ouvre un chemin de croissance, il ouvre le cœur des personnes.

Nous sommes tous en chemin, inachevés, appelés à grandir, en évolution. Nous ne pouvons pas encore tout voir à travers le regard du Christ. Mais le message fort d’Amoris Laetitia  est que, quel que soit notre état de vie, situation dite « irrégulière » ou « dite régulière » ou, nous sommes tous appelés à « apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres » (EG91), « à regarder sa grandeur sacrée » (EG92)

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