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Contribution de Gilles Vadon

A la soirée de rencontre en visio du 9 octobre 2024

La joie de l’amour (Amoris Laetitia) publié le 8 avril 2016

Il est bon, pour commencer, de se rappeler que ce texte de François est le fruit d’un long processus de consultations et de délibération concernant les conférences épiscopales du monde. C’est un texte qui s’inscrit pleinement dans un esprit synodal dont l’élaboration se situe entre 2013 et 2016. Sa rédaction a impliqué des laïcs, des théologiens, des évêques du monde entier.

Ainsi la joie de l’évangile est né d’une écoute qui croise le témoignage de la vie des personnes et de l’écoute de l’Esprit Saint.

Quelle est sa visée ?

Amoris Lætitia a une visée double et complémentaire :

–              D’une part : promouvoir l’idéal chrétien du mariage dont le texte n’a de cesse de souligner la beauté, d’une part.

–              D’autre part : encourager la miséricorde, maître mot de l’exhortation, dans l’accompagnement et l’intégration des situations familiales diverses.

François a voulu dès le début prendre en compte le contexte nouveau, la grande diversité des familles, et la nécessité de les rejoindre là où elles sont, y compris dans leurs difficultés, leurs souffrances, leurs épreuves.

Dans ce texte, il souhaite s’adresser aux « familles réelles » et « garder les pieds sur terre » (AL 6)

Il le fait sans brader les exigences de l’Évangile ni « renoncer à proposer l’idéal complet du mariage, le projet de Dieu dans toute sa grandeur » (AL 307).

Mais il rappelle que le mariage est avant tout un chemin de croissance, humaine et spirituelle, jamais achevé, il met l’accent sur la joie de l’amour conjugal. Mais ne veut pas qu’on oublie celles et ceux qui ont du mal.

À l’exemple du Christ qui a posé un regard d’amour et de tendresse sur ceux qu’il a rencontrés, on commence par regarder non pas ce qui manque pour suivre l’idéal chrétien du mariage, mais d’abord ce qui est bon dans la vie des personnes, y compris dans des situations imparfaites, parce que ces éléments positifs sont, précisément, des signes de la grâce de Dieu déjà à l’œuvre. »

Ne soyons pas des obstacles à la grâce de Dieu, son amour gratuit toujours offert.

François place son exhortation sous le signe de la joie de l’amour. Il souligne avec insistance ce qu’il y a de positif dans l’amour conjugal dans toutes ses formes d’union. Il place résolument l’Eglise non plus dans une logique d’interdits mais dans une logique de bienveillance.

Le pape nous encourage à proclamer la joie de l’amour : « Nous avons du mal à présenter le mariage davantage comme un parcours dynamique de développement et d’épanouissement que comme un poids à supporter toute la vie » (n°37).

Il estime que l’Eglise n’a pas assez accompagné les familles (article n° 36). Il nous invite, nous pasteurs (prêtres, consacrés, laïcs) à accompagner les couples tout au long de leur vie conjugale car « une communion familiale bien vécue est un vrai chemin de sanctification dans la vie ordinaire et de croissance mystique, un moyen de l’union intime avec Dieu » (n°316). La foi n’est pas un savoir, mais l’expérience d’une rencontre avec Dieu. Et c’est cela qui doit nous motiver. L’expérience d’un Dieu qui n’est pas lointain ou indifférent mais bien présent et agissant au cœur de l’humanité comme elle est.

Pour se faire, Amoris Lætitia invite « au discernement dans l’accompagnement ». Il remet ainsi en valeur le rôle de la conscience et du discernement, dans lequel la loi morale et l’accompagnement de l’Église gardent toute leur place. En bon jésuite, il dit « Je ne décide pas seul devant Dieu de ce qui est bon ou pas. » d’où l’importance des groupes d’accompagnement comme « Bartimée »

François demande que l’on ne se contente pas d’une morale formaliste, qui s’appuie sur l’interdit, et qu’on n’enferme personne dans des cases prédéfinies. « Il faut encourager au discernement et à l’engagement libre des personnes ».

La Miséricorde est le mot clé de cette exhortation (la miséricorde est citée 36 fois.) pourquoi ? mais parce que la miséricorde est une caractéristique de Dieu, pris aux entrailles pour son peuple qu’il aime et accompagne fidèlement tout au long de sa route.

La notion de miséricorde doit être intégrée par toute la communauté, pas simplement par les pasteurs. C’est toute l’Eglise qui doit entrer dans la pédagogie divine. La miséricorde de Dieu pardonne, renouvelle, nous invite à avancer. »

Face aux situations de fragilité ou d’imperfection, le pape mentionne deux logiques qui parcourent l’histoire de l’Église : « exclure et réintégrer ».

Il rappelle que « la route de l’Église, depuis le Concile de Jérusalem (1672), est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration » (AL 296).

« Dans les situations difficiles que vivent les personnes qui sont le plus dans le besoin, écrit François, l’Église doit surtout avoir à cœur de les comprendre, de les consoler, de les intégrer, en évitant de leur imposer une série de normes, comme si celles-ci étaient un roc, avec pour effet qu’elles se sentent jugées et abandonnées précisément par cette Mère qui est appelée à les entourer de la miséricorde de Dieu » (AL 49).

Le pape veut que nous fassions tout, pour que celles et ceux qui se sentent en situation de fragilité soient intégrés comme membres de l’Eglise : « qu’ils ne se sentent jamais excommuniés ».

François invite clairement l’Église à « aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale », évitant « des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ».

Le texte aborde beaucoup de thèmes :

La famille, le couple, le mariage, la sexualité, l’engendrement, la fécondité, l’éducation des enfants…

François met les familles et l’amour au centre de l’Eglise : « l’Église est une famille de familles » ( § 85).

Il présente le visage d’un Dieu qui ne condamne pas mais s’invite à notre table pour instaurer un dialogue qui nous ouvre sur un apprentissage, et un cheminement avec Lui, toujours en progression.

Sans doute faut-il accueillir ce texte plus comme un outil de travail pour les familles que comme un document théologique.

Un travail qui invitera chacune et chacun à la conversion des habitudes, du regard, de l’écoute de celles et ceux qui sont en souffrance, avec une volonté réelle de prendre en compte la personne en difficulté, là où elle en est.

Gilles Vadon, prêtre du diocèse de Lyon