Visio du 9 janvier 2025 – SEDIRE Lyon, Intervention de Thierry Grenet
Des orientations diocésaines pour une pastorale au service des personnes séparées-divorcées-remariées
Amoris Laetitia ou la Joie de l’Amour est comme chacun sait une exhortation. Une exhortation ce n’est pas une homélie, une pensée, ou une bafouille. C’est un discours qui vise à encourager, à inciter, voire même à persuader quelqu’un de faire quelque chose, d’entreprendre une action.
Car oui Amoris Laetitia est un discours certes, fait de mots et de phrases mais qui nous obligent quelque part à agir, notamment si on y ajoute le terme de « pastorale » comme nous aimons bien le faire à tous vents. Concernant notre sujet : la pastorale des personnes séparées-divorcées-remariées ! et alors une fois que l’on dit ça, concrètement il se passe quoi ? cela se décline comment ? Autrement dit, si le pape François nous offre Amoris Laetitia comme une partition, il nous revient de la mettre en musique. Sans cette mise en musique la partition restera lettre morte.
Il nous faut donc déchiffrer cette partition, mettre des notes sur des mots, mettre une mélodie sur un texte. Exercice redoutable, délicat et partial puisque chacun ira de son choix et de sa sensibilité, sans oublier son instrument préféré. Le bal est ouvert : clef de SOL ou clef de FA ? En DO majeur ou en RE mineur ? Sans parler de tous les dièses que certains veulent mettre avec enthousiasme en haussant le ton, tandis que d’autres s’attachent à vouloir caser quelques bémols pour tenter de faire baisser le même ton. Vous l’aurez compris : passer de Amoris Laetitia à une pastorale des personnes séparées – divorcées-remariées n’est pas chose facile, surtout si l’on veut rester dans une belle symphonie qui, par définition, accepte plusieurs voix.
Concrètement, oui j’entends çà et là ce désir d’écrire des orientations diocésaines pour la pastorale des personnes séparées-divorcées-remariées. Donc oui la musique s’écrit… réjouissons-nous ! Néanmoins, parfois je suis surpris de n’entendre qu’un couplet, autrement dit, l’écriture de recommandations pour célébrer un temps de prière à l’occasion d’un remariage civil de personnes divorcées. Comme si cet instant, cet événement était le plus fondamental… et constituait le tout de Amoris Laetitia… un peu réducteur non ?
Le plus fondamental, selon moi, est de nous interroger individuellement et collectivement sur notre manière d’accueillir, d’intégrer, de discerner et d’accompagner nos frères et sœurs qui vivent la souffrance de la séparation et divorce, qui cherchent des chemins pour se reconstruire et qui s’interrogent sur leur place en Eglise. Oui ce sont ces questions qui sont fondamentales et dans Amoris Laetitia tout y est dit à ce sujet, regardons-y ensemble d’un plus prêt.
Je suggère on pas un contenu précis mais du moins 10 points qui servir à écrire des orientations diocésaines. 10 points déclinés en deux parties selon moi : première partie affirmer et deuxième point pastoraler ! Je justifierai ce verbe inexistant plus loin.
AFFIRMER
- Que l’Eglise a entendu et compris ce qui se joue humainement de difficile dans la séparation – divorce = épreuve, souffrance, tsunami
N° 242 : La souffrance qui doit être accueillie et mise en valeur + nécessité d’une pastorale de la réconciliation et de la médiation notamment à travers des centres d’écoute spécialisés qu’il faut organiser dans les diocèses.
Dire que vraiment on comprend ce que l’Autre a vécu et/ou vit
Une Eglise en sortie qui prend en compte la situation des personnes
- Que, comme le Christ, l’Eglise ne veut pas condamner, et veut sortir du permis / défendu
N° 296 : Deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Eglise : exclure et intégrer. La route de l’Eglise, depuis le concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration. Car la charité véritable toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite. Donc il faut éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations.
Recherche d’équilibre : rapport à la loi + la miséricorde = une ligne de crête à tenir
D’un côté : Eglise = maison paternelle + l’Eglise n’est pas une douane
Et d’un autre côté : ne pas brader au nom de l’évangile car oui la Parole est exigeante
En tout cas : reconnaissance du droit à l’erreur
- Que l’Eglise se veut à la fois accueillante, accompagnante, chemin de discernement, éprise de charité, signe de miséricorde
N° 312 : J’invite les fidèles qui vivent des situations compliquées à s’approcher avec confiance de leurs pasteurs ou d’autres laïcs. Et j’invite les pasteurs à écouter avec affection et sérénité, avec le désir sincère d’entrer dans le cœur du drame des personnes et de comprendre leur point de vue, pour les aider à mieux vivre et à reconnaitre leur place dans l’Eglise.
Garder la charité comme cap incontournable
Importance d’aller vers, de se croiser, de s’écouter, d’être là
- Le désir d’entrer dans le dialogue pastoral
N° 293 : … importance d’entrer en dialogue pastoral avec les personnes afin de mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent conduire à une plus grande ouverture à l’Evangile du mariage dans sa plénitude. Dans le discernement pastoral, il convient d’identifier les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation, la croissance humaine et spirituelle.
Rôle du pasteur, mais aussi des groupes, et également des membres de la communauté chrétienne
- Que plusieurs dimensions sont en jeu lors d’une séparation (humaines, spirituelles, sociales, psychologiques, juridiques…) et que seuls plusieurs intervenants permettront à la personne de se relever, chacun restant dans son rôle.
Plusieurs interlocuteurs oui mais importance de ne pas balader la personne au hasard
Accepter le « ça me dépasse »
Passer la main en fonction des compétences oui… mais vers qui envoyer ?
Identification des personnes ressources et portées à la connaissance de tous
« PASTORALER »
Dire c’est bien, mais il faut agir !
Importance d’être dans le concret et le pratico-pratique
Ce que je pense
Ce que dit Amoris Laetitia
Ce que vous avez dit
- Faire connaitre Amoris Laetitia encore et toujours notamment auprès des acteurs pastoraux : prêtres, diacres, laïcs
En parler autour de soi inlassablement et avec conviction
Formations ? toujours et encore
- Redire ce que l’Eglise propose dans la dimension sacramentelle du mariage
N° 73 : Le sacrement du mariage n’est pas une « chose » ou une « force », car en réalité le Christ lui-même « vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement du mariage » (Gaudium et spes, n° 48). « Il reste avec eux, il leur donne la force de, le suivre en prenant leur croix sur eux, de se relever après leurs chutes, de se pardonner mutuellement, de porter les uns les fardeaux des autres. » Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 1642.
Le mariage chrétien est un signe qui non seulement indique combien le Christ aime son Eglise à travers l’Alliance scellée sur la Croix, mais encore rend présent cet amour dans la communion des époux.
L’idéal du mariage est toujours à proposer
Le mariage dit quelque chose de l’amour de Dieu pour son Eglise
- Devenir des facilitateurs de la grâce individuellement et collectivement
N° 310 : Parfois, nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Eglise n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile.
Un appel à la conversion du regard au changement de mentalité
- Devenir des acteurs de la miséricorde individuellement et collectivement
N° 310 : Nous ne pouvons pas oublier que « la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde.
La miséricorde : un concept ou une manière de vivre avec les autres, inspiré par Dieu
N° 297 : Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde imméritée, inconditionnelle et gratuite. Je ne me réfère pas seulement aux divorcés engagés dans une nouvelle union, mais à tous, en quelque situation qu’ils se trouvent.
La miséricorde est un chemin
La miséricorde n’exclue pas la vérité
- Offrir des lieux d’écoute et de discernement aux personnes en situation – divorce
N° 242 : La souffrance qui doit être accueillie et mise en valeur + nécessité d’une pastorale de la réconciliation et de la médiation notamment à travers des centres d’écoute spécialisés qu’il faut organiser dans les diocèses.
pour qu’elles puissent dire leur souffrance, se reconstruire humainement et spirituellement, conserver pour retrouver leur juste place dans la vie de la communauté chrétienne, se reconstruire en se sachant aimer inconditionnellement de Dieu : l’Eglise a besoin de toi.
- Accompagner avec justesse certaines personnes vers une demande de reconnaissance en nullité de leur sacrement de mariage
N° 244 : Nécessité de rendre plus accessibles et plus souples, et si possible entièrement gratuites, les procédures en vue de la reconnaissance des cas de nullité.
Démarche difficile et délicate qui ne peut constituer, ni une issue de secours, ni une voie royale. Le terme de nullité, même si l’on parle du sacrement, fait lui toujours débat en regard de ce qui a été vécu pendant le temps de vie commune, notamment vis-à-vis des enfants, sans oublier les moments heureux malgré tout.
- Réaffirmer l’accès possible aux sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation
N° 301 : Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite « irrégulière » vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante
N° 304 : Il est mesquin de se limiter seulement à considérer si l’agir d’une personne répond ou non à une loi ou à une norme, car cela ne suffit pas pour discerner…
Il est important de rappeler que l’accès aux sacrements ne peut pas être refusé aux personnes divorcées. En cas de nouvelle union, les portes se sont ouvertes pour qu’après un discernement au fort interne et dans un accompagnement singulier afin de faire un chemin de vérité avec un cœur sincère, le retour (la réintégration) aux sacrements puissent se faire.
- Célébrer dans la foi et dans la joie un temps de prière pour les personnes en nouvelle union qui le demandent avec la communauté chrétienne
N° 243 : Les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union font partie de l’Eglise et ne sont pas excommuniées. Importance d’un accompagnement avec respect, sans générer un sentiment de discrimination… + encouragement à la participation de la vie de la communauté car nécessité d’exprimer la charité.
A ce titre il est juste recommandé de s’appuyer sur l’autorisation que les évêques de France ont donnée pour célébrer un temps de prière… même si on sent bien que l’organisation de ce temps et son contenu continue de faire parler…
On n’est pas dans la permission accordée, mais dans plutôt dans l’effusion de la miséricorde divine.
Donc, un moment de communion, de foi et de joie à vivre avec la communauté chrétienne !
- Prendre en compte d’une manière particulière l’écoute et l’accompagnement des enfants de parents séparés – divorcés
N° 245 : Une attention aux conséquences de la séparation ou divorce sur les enfants qui sont des victimes innocentes. Attention au poids sur eux, l’utilisation d’eux comme otages, aux blessures futures, l’image de chacun de leur parent (dire du bien encore)
Avoir la préoccupation aussi d’accompagner les enfants des parents en cours de séparation ou divorcés, de leur donner la parole, de les écouter.
- Identifier et faire connaitre aux acteurs pastoraux les personnes et les lieux ressources pour accompagner les personnes en souffrance pour :
Pas de numéro AL car du bon sens humain…
- ne pas se renvoyer la balle sans issue : il faudrait, là franchement je ne vois pas…
- dépasser la réponse blessante et maladroite d’une seule personne qui peut avoir une personnalité particulière