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rapport final

Synode extraordinaire des Evêques sur la famille – Rapport final du Synode –

 

Introduction

NB : Les nombres à la fin de chaque paragraphe correspondent au résultat du vote des pères synodaux ¦oui-non¦. Les abstentions n’ont pas été précisées. Total des personnes présentes : 183.

1. Le Synode des évêques réuni autour du pape dirige ses pensées vers les familles du monde entier, avec leurs joies, leurs difficultés, leurs espérances. En particulier, ils ressentent le devoir de remercier le Seigneur pour la généreuse fidélité avec laquelle tant de familles chrétiennes répondent à leur vocation et à leur mission. Elles le font avec joie et avec foi, même lorsque le chemin qui leur est familier est semé d’embûches, d’incompréhensions et de souffrances. À ces familles s’adressent l’estime, les remerciements et les encouragements de toute l’Église et de ce Synode. Lors de la veillée de prière célébrée sur la Place Saint-Pierre, samedi 4 octobre 2014, en préparation au Synode sur la famille, le pape François a évoqué de manière simple et concrète la centralité de l’expérience familiale dans la vie de tous : « Le soir tombe maintenant sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, dans cette atmosphère profonde que génèrent les liens d’affection, le sentiment du bien accompli et reçu, les rencontres qui réchauffent le cœur et le bonifient, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans fin. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer des rêves et des projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons vient à manquer le vin de la joie et donc la saveur – la sagesse même – de la vie […] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ». ¦175-1¦

2. Lieu intime de joies et d’épreuves, d’affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d’humanité » (cf. Gaudium et spes, 52), dont le besoin se fait fortement ressentir. Malgré les nombreux signaux annonceurs de la crise que connaît l’institution familiale dans les différents contextes du « village mondial », le désir de famille demeure vif, en particulier parmi les jeunes, et encourage l’Église, experte en humanité et fidèle à sa mission, à annoncer sans relâche et avec une profonde conviction l’« Évangile de la famille » qui lui a été confié à travers la révélation de l’amour de Dieu en Jésus-Christ et a été continuellement enseigné par les Pères, par les Maîtres de la spiritualité et par le Magistère de l’Église. La famille revêt pour l’Église une importance toute particulière et au moment où tous les croyants sont invités « à sortir d’eux-mêmes », il est nécessaire que la famille se redécouvre comme sujet indispensable de l’évangélisation. Nos pensées vont au témoignage missionnaire de ces nombreuses familles. ¦179-0¦

3. L’évêque de Rome a appelé le Synode des évêques, en son Assemblée générale extraordinaire d’octobre 2014, à réfléchir sur la réalité de la famille, déterminante et précieuse, pour ensuite approfondir la réflexion lors de l’Assemblée générale ordinaire qui se tiendra en octobre 2015, tout comme au cours de l’année qui s’écoulera entre les deux événements synodaux. « Le fait de convenire in unum autour de l’évêque de Rome est déjà un moment de grâce, où la collégialité épiscopale se manifeste en un chemin de discernement spirituel et pastoral » : ainsi le pape François décrit-il l’expérience synodale, en indiquant les devoirs liés à la double écoute des signes de Dieu et de l’histoire des hommes, et à la fidélité, double et unique, qui en découle.¦178-1¦

  1.  À la lumière de ce même discours, nous avons rassemblés les fruits de nos réflexions et de nos dialogues au sein des trois parties suivantes : l’écoute, afin d’examiner la réalité de la famille aujourd’hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard, que nous fixons sur le Christ pour repenser, avec une fraîcheur renouvelée et de l’enthousiasme, ce que la révélation, transmise dans la foi de l’Église, nous dit sur la beauté, sur le rôle et sur la dignité de la famille ; la discussion, à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles pourront être renouvelées l’Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme. ¦180-2¦

 

I – L’écoute : le contexte et les défis concernant la famille

Le contexte socioculturel

  1.  Fidèles à l’enseignement du Christ, nous considérons la réalité de la famille d’aujourd’hui dans toute sa complexité, dans ses lumières et ses ombres. Nous pensons aux pères et aux mères, aux grands-parents, aux frères et aux sœurs, aux parents proches et lointains, et au lien entre deux familles que tisse chaque mariage. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd’hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée. Il convient de souligner avant tout les aspects positifs : une plus grande liberté d’expression et une meilleure reconnaissance des droits de la femme et des enfants, tout au moins dans certaines régions. Mais, par ailleurs, il faut également prendre en compte le danger croissant que représente un individualisme exacerbé qui dénature les liens familiaux et finit par considérer chaque membre de la famille comme une île, faisant prévaloir, dans certains cas, l’idée d’un sujet qui se construit selon ses propres désirs considérés comme un absolu. Vient s’ajouter à cela la crise de la foi qui touche de nombreux catholiques et qui, souvent, est à l’origine de la crise que connaissent le mariage et la famille. ¦177-3¦

6. L’une des plus grandes pauvretés de la culture actuelle est la solitude, fruit de l’absence de Dieu dans la vie des personnes et de la fragilité des relations. Il règne aussi une sensation générale d’impuissance face à la réalité socio-économique qui, souvent, finit par écraser les familles. Il en est ainsi également de la pauvreté croissante et de la précarité en matière de travail, parfois vécue comme un véritable cauchemar, ou d’une fiscalité trop lourde qui n’encourage certainement pas les jeunes à se marier. Souvent, les familles se sentent abandonnées en raison du désintérêt et du peu d’attention dont les institutions font preuve à leur égard. Les conséquences négatives du point de vue de l’organisation sociale sont évidentes : elles vont de la crise démographique aux problèmes éducatifs, de la somme de travail que représente l’accueil d’un nouveau-né au sentiment de poids que la présence des anciens peut susciter, jusqu’au fait de se laisser gagner par un malaise affectif pouvant parfois déboucher sur de la violence. Il est de la responsabilité de l’État de créer les conditions législatives et de travail permettant de garantir l’avenir des jeunes et de les aider à réaliser le projet qu’ils ont de fonder une famille. ¦175-5¦

7. Certains contextes culturels et religieux présentent des défis particuliers. Dans quelques sociétés perdure la pratique de la polygamie et, dans certains milieux traditionnels, la coutume du « mariage par étapes ». Dans d’autres contextes, se maintient la pratique des mariages arrangés. Dans les pays où la présence de l’Église catholique est minoritaire, nombreux sont les mariages mixtes avec disparité de culte. Cette situation peut engendrer des difficultés par rapport à la configuration juridique, au baptême et à l’éducation des enfants, et au respect réciproque la foi pratiquée par l’autre. Ce type de mariage peut présenter un danger : celui du relativisme ou de l’indifférence ; mais il peut aussi être l’occasion de favoriser l’esprit œcuménique et le dialogue interreligieux, donnant lieu à une cohabitation harmonieuse entre les communautés vivant au même endroit. Dans de nombreux contextes, et pas seulement occidentaux, se répand largement la pratique de la cohabitation qui précède le mariage ou du concubinage qui ne vise pas à prendre la forme d’un lien institutionnel. À cela vient souvent s’ajouter un droit civil qui compromet le mariage et la famille. À cause de la sécularisation, dans de nombreuses parties du monde, il est de moins en moins fait référence à Dieu et la foi n’est plus partagée d’un point de vue social. ¦170-9¦

8. Nombreux sont les enfants qui naissent hors mariage, en particulier dans certains pays, et nombreux sont ceux qui grandissent ensuite avec un seul de leurs parents ou dans un contexte familial élargi ou reconstitué. Le nombre des divorces est croissant et il n’est pas rare que des choix soient effectués uniquement en fonction de facteurs d’ordre économique. Les enfants font souvent l’objet de querelles entre leurs parents et ils constituent les véritables victimes des déchirements familiaux. Les parents sont souvent absents, et pas seulement pour des raisons économiques, alors qu’au contraire il serait nécessaire qu’ils assument avec plus de clarté leurs responsabilités, envers leurs enfants et leur famille. La dignité de la femme a encore besoin d’être défendue et promue. Aujourd’hui, en effet, dans de nombreux contextes, le fait d’être une femme entraîne des discriminations. De même, le don de la maternité est souvent pénalisé plutôt que mis en valeur. Il ne faut pas oublier non plus les phénomènes de violence de plus en plus nombreux dont les femmes sont victimes, malheureusement, parfois même au sein des familles, ainsi que la pratique grave et répandue, dans plusieurs cultures, de la mutilation génitale à l’encontre des jeunes filles. Par ailleurs, l’exploitation sexuelle de l’enfance constitue l’une des réalités les plus scandaleuses et perverses de la société actuelle. De même, les sociétés traversées par la violence à cause de la guerre, du terrorisme ou de la présence de la criminalité organisée connaissent également des situations familiales détériorées, surtout dans les grandes métropoles et leurs périphéries où s’accroît ce qu’on appelle le phénomène des enfants des rues. Les migrations représentent en outre un autre signe des temps qu’il faut affronter et comprendre, ainsi que toutes les conséquences que cela entraîne sur la vie familiale. ¦179-1¦

L’importance de la vie affective

  1.  Dans ce contexte social, et dans de nombreux endroits du monde, on rencontre chez les individus un plus grand besoin de prendre soin de sa propre personne, de se connaître intérieurement, de vivre mieux en harmonie avec ses émotions et ses sentiments, de rechercher des relations affectives de qualité. Une telle aspiration légitime peut conduire au désir de s’engager dans la construction de relations marquées par le don et la réciprocité créatives, la responsabilité et la solidarité, telles que celles caractérisant la famille. Le danger de l’individualisme et le risque de vivre de manière égoïste sont importants. Le défi, pour l’Église, est d’aider les couples à mûrir du point de vue émotionnel et affectif, en les encourageant au dialogue, à la vertu et à la confiance dans l’amour miséricordieux de Dieu. L’engagement total que requiert le mariage chrétien peut s’avérer un puissant antidote contre la tentation d’un individualisme forcené. ¦171-8¦
  2.  Dans le monde actuel, de nombreuses tendances culturelles semblent imposer une affectivité sans limite, dont tous les versants doivent être explorés, même les plus complexes. De fait, la question de la fragilité affective est d’une grande actualité : une vie affective narcissique, instable et changeante n’aide pas toujours les sujets à atteindre une plus grande maturité. Autre sujet de préoccupation, une certaine propagation de la pornographie et de la commercialisation du corps, également favorisée par un usage détourné d’Internet. Il convient aussi de dénoncer la situation de ces personnes obligées de pratiquer la prostitution. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver les moyens de grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle. La crise que connaît le couple déstabilise la famille. Elle peut à travers les séparations et les divorces, avoir de graves conséquences sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l’individu et les liens sociaux. De même le déclin démographique, dû à une mentalité antinataliste et encouragé par les politiques mondiales en matière de santé reproductive, non seulement détermine une situation dans laquelle le renouvellement des générations n’est plus assuré mais risque aussi de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d’espérance dans l’avenir. Le développement des biotechnologies a aussi un fort impact sur la natalité. ¦174-8¦

Le défi pour la pastorale

11. Dans ce contexte, l’Église perçoit le besoin de prononcer une parole de vérité et d’espérance. Il faut partir de la conviction que l’homme vient de Dieu et que, donc, une réflexion capable de poser à nouveau les grandes questions sur ce que signifie être des hommes peut trouver un terrain fertile dans les attentes les plus profondes de l’humanité. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chrétienne correspondent à la quête qui traverse l’existence humaine, y compris à une époque marquée par l’individualisme et par l’hédonisme. Il faut accueillir les personnes avec leur existence concrète, savoir les soutenir dans leur quête, encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l’Église, même chez ceux qui ont fait l’expérience de l’échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates. Le message chrétien contient toujours en lui la réalité et la dynamique de la miséricorde et de la vérité, qui convergent dans le Christ. ¦173-6¦

II. Le regard sur le Christ : l’Évangile de la famille

Le regard sur Jésus et la pédagogie divine dans l’histoire du salut

  1.  Afin de « vérifier le train où nous allons sur le terrain des défis contemporains, il est capital de conserver le regard fixé sur Jésus-Christ, de s’arrêter pour contempler et adorer son visage (…). En effet, chaque fois que nous revenons à la source de l’expérience chrétienne, s’ouvrent de nouvelles voies et des possibilités inattendues » (Pape François,

Discours du 4 octobre 2014

). Jésus a regardé les femmes et les hommes qu’il a rencontrés avec amour et tendresse, accompagnant leurs pas avec vérité, patience et miséricorde, en annonçant les exigences du Royaume de Dieu. ¦176-3¦

  1.  L’ordre de la Création étant déterminé par l’orientation au Christ, il faut distinguer sans les séparer les différents degrés par lesquels Dieu communique à l’humanité la grâce de l’alliance. En raison de la pédagogie divine, selon laquelle l’ordre de la Création évolue en celui de la Rédemption à travers des étapes successives, il convient de comprendre la nouveauté du sacrement du mariage chrétien dans la continuité du mariage naturel des origines. C’est ainsi que s’entend le mode d’action salvifique de Dieu, que ce soit dans la création ou dans la vie chrétienne. Dans la création : parce que tout fut créé par le Christ et pour lui (Col 1, 16), les chrétiens doivent « découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui s’y trouvent cachées ; ils doivent en même temps être attentifs à la transformation profonde qui s’opère parmi les nations » (Ad gentes, 11). Dans la vie chrétienne : par le baptême, le croyant est incorporé dans l’Église par l’intermédiaire de cette Église domestique qu’est sa famille ; il entreprend ce « processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu » (Familiaris consortio, 9)

(1)

, au moyen de la conversion continuelle à l’amour qui sauve du péché et accorde la plénitude de vie. ¦174-7¦

  1.  Jésus lui-même, en se référant au dessein premier relatif au couple humain, réaffirme l’union indissoluble entre l’homme et la femme, tout en disant : « C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi » (Mt 19, 8). L’indissolubilité du mariage (« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Mt 19, 6) ne doit pas être comprise avant tout comme un « joug » imposé aux hommes mais plutôt comme un « don » accordé aux personnes unies dans le mariage. C’est ainsi que Jésus montre combien l’indulgence divine accompagne toujours l’homme sur le chemin, guérit et transforme par sa grâce le cœur endurci, en l’orientant vers son principe, en passant par la croix. Des Évangiles, émerge clairement l’exemple de Jésus, modèle pour l’Église. Jésus, en effet, s’est engagé sur la famille, a commencé à en donner les signes lors des noces de Cana, a annoncé le message relatif à la signification du mariage comme le summum de la révélation qui reprend le projet initial de Dieu (Mt 19, 3). Mais parallèlement, il a mis en pratique la doctrine enseignée, montrant ainsi le sens véritable de la miséricorde. Cela apparaît clairement dans ses rencontres avec la Samaritaine (Jn 4, 1-30) et avec la femme adultère (Jn 8, 1-11), lors desquelles, dans une attitude d’amour envers la personne pécheresse, il conduit au repentir et à la conversion (« Va, et désormais ne pèche plus »), condition nécessaire pour être pardonné. ¦164-18¦

La famille dans le dessein salvifique de Dieu

  1.  Les paroles de vie éternelle que Jésus a laissées à ses disciples contenaient l’enseignement sur le mariage et la famille. Cet enseignement de Jésus nous permet de distinguer les trois étapes fondamentales du dessein divin concernant le mariage et la famille. Au commencement, il y a la famille des origines, lorsque Dieu créateur institue le mariage primordial entre Adam et Ève, comme fondement solide de la famille. Dieu n’a pas seulement créé l’être humain homme et femme (Gn 1, 27), il les a aussi bénis pour qu’ils soient féconds et se multiplient (Gn 1, 28). C’est pourquoi « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2, 24). Cette union a été altérée par le péché et est devenue la forme historique du mariage au sein du peuple de Dieu, pour lequel Moïse concède la possibilité de délivrer un acte de divorce (cf. Dt 24, 1ss). Cette procédure prévalait au temps de Jésus. Par son avènement et la réconciliation du monde déchu grâce à la rédemption opérée par lui, prend fin l’ère inaugurée par Moïse. ¦167-13¦
  2.  Jésus, qui a réconcilié toute chose en lui, a ramené le mariage et la famille à leur forme d’origine (cf. Mc 10, 1-12). La famille et le mariage ont été rachetés par le Christ (cf. Ep 5, 21-32), restaurés à l’image de la Sainte Trinité, mystère dont découle tout amour véritable. L’alliance sponsale, inaugurée avec la Création et révélée dans l’histoire du salut, reçoit la pleine révélation de sa signification dans le Christ et dans son Église. Par le Christ et à travers l’Église, le mariage et la famille reçoivent la grâce nécessaire pour témoigner de l’amour divin et vivre la vie de communion. L’Évangile de la famille traverse l’histoire du monde dès la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) jusqu’à l’accomplissement du mystère de l’alliance dans le Christ à la fin des siècles avec les noces de l’agneau (cf. Ap 19, 9 ; Jean-Paul II, catéchèses sur l’amour humain). ¦171-8¦

La famille dans les documents de l’Église

  1.  « Au cours des siècles, l’Église n’a pas manqué d’offrir son enseignement constant sur le mariage et la famille. Une des expressions les plus élevées de ce Magistère a été proposée par le concile œcuménique Vatican II, dans la Constitution pastoraleGaudium et spes, qui consacre un chapitre entier à la promotion de la dignité du mariage et de la famille (cf. Gaudium et spes, 47-52). Il a qualifié le mariage de communauté de vie et d’amour (cf. Gaudium et spes, 48), en plaçant l’amour au centre de la famille et en montrant, en même temps, la vérité de cet amour face aux différentes formes de réductionnisme présentes dans la culture contemporaine. « Le véritable amour conjugal » (Gaudium et spes, 49) implique le don réciproque de soi, inclut et intègre la dimension sexuelle et l’affectivité, en correspondant au dessein divin (cf. Gaudium et spes, 48-49). De plus, Gaudium et spes, au chapitre 48, souligne l’enracinement des époux dans le Christ : Christ Seigneur « vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage », et il demeure avec eux. Dans l’incarnation, il assume l’amour humain, le purifie, le conduit à sa plénitude, et donne aux époux, avec son Esprit, la capacité de le vivre, en imprégnant toute leur vie de foi, d’espérance et de charité. De la sorte, les époux sont comme consacrés et, par une grâce spécifique, ils édifient le corps du Christ et constituent une Église domestique (cf. Lumen gentium, 11). Aussi l’Église, pour comprendre pleinement son ministère, regarde-t-elle la famille humaine qui le manifeste d’une façon authentique » (Instrumentum laboris,

4

). ¦174-6¦

  1.  « Dans le sillage du concile Vatican II, le Magistère pontifical a approfondi la doctrine sur le mariage et sur la famille. Paul VI, en particulier, par l’encycliqueHumanae vitae

(2)

, a mis en lumière le lien intime entre l’amour conjugal et l’engendrement de la vie. Saint Jean-Paul II a consacré à la famille une attention particulière à travers ses catéchèses sur l’amour humain, sa Lettre aux familles (Gratissimam sane)

(3)

et surtout avec l’Exhortation apostolique Familiaris consortio. Dans ces documents, le pape a qualifié la famille de « voie de l’Église » ; il a offert une vision d’ensemble sur la vocation à l’amour de l’homme et de la femme ; il a proposé les lignes fondamentales d’une pastorale de la famille et de la présence de la famille dans la société. En particulier, s’agissant de la charité conjugale (cf. Familiaris consortio, 13)

(4)

, il décrit la façon dont les époux, dans leur amour mutuel, reçoivent le don de l’Esprit du Christ et vivent leur appel à la sainteté » (Instrumenuim laboris,

5

).¦175-5¦

  1.  « Benoît XVI, dans l’encyclique Deus caritas est, a repris le thème de la vérité de l’amour entre homme et femme, qui ne s’éclaire pleinement qu’à la lumière de l’amour du Christ crucifié (cf. Deus caritas est, 2)

(5)

. Il y réaffirme que : « Le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement : la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain » (Deus caritas est, 11)

(6)

. Par ailleurs, dans son encyclique Caritas in veritate, il met en évidence l’importance de l’amour comme principe de vie dans la société (cf. Caritas in veritate, 44)

(7)

, lieu où s’apprend l’expérience du bien commun » (Instrumentum laboris,

6

). ¦176-5¦

  1.  « Le pape François, abordant le lien entre la famille et la foi, écrit dans l’encycliqueLumen Fidei  : « La rencontre avec le Christ – le fait de se laisser saisir et guider par son amour – élargit l’horizon de l’existence et lui donne une espérance solide qui ne déçoit pas. La foi n’est pas un refuge pour ceux qui sont sans courage, mais un épanouissement de la vie. Elle fait découvrir un grand appel, la vocation à l’amour, et assure que cet amour est fiable, qu’il vaut la peine de se livrer à lui, parce que son fondement se trouve dans la fidélité de Dieu, plus forte que notre fragilité » (Lumen Fidei, 53)

(8)

» (Instrumentum laboris,

7

). ¦178-3¦

L’indissolubilité du mariage et la joie de vivre ensemble

21. Le don réciproque constitutif du mariage sacramentel est enraciné dans la grâce du baptême qui établit l’alliance fondamentale de chaque personne avec le Christ dans l’Église. Dans cet accueil réciproque, et avec la grâce du Christ, les jeunes mariés se promettent un don total, la fidélité et l’ouverture à la vie ; ils reconnaissent comme éléments constitutifs du mariage les dons que Dieu leur offre, en prenant au sérieux leur engagement mutuel, en leur nom et face à l’Église. Maintenant, dans la foi, il est possible d’assumer les biens du mariage comme des engagements plus faciles à garantir par la grâce du sacrement. Dieu consacre l’amour des époux et en confirme l’indissolubilité, en leur offrant l’aide nécessaire afin de vivre la fidélité, l’accueil réciproque et l’ouverture à la vie. Toutefois, le regard de l’Église se tourne vers les époux comme vers le cœur de la famille entière qui elle-même tourne son regard vers Jésus… ¦181-1¦

  1.  Dans cette même perspective, faisant nôtre l’enseignement de l’Apôtre selon lequel toute la création a été pensée en Christ et pour lui (cf. Col 1, 16), le concile Vatican II a voulu exprimer sa considération pour le mariage naturel et pour les éléments valables présents dans les autres religions (cf. Nostra aetate, 2) et dans les cultures, en dépit des lacunes et des insuffisances (cf. Redemptoris missio, 55)

(9)

. La présence des semences du Verbe (cf. Ad gentes, 11) pourrait être également appliquée, à certains égards, à la réalité matrimoniale et familiale de nombreuses cultures et personnes non chrétiennes. Il existe donc des éléments valables aussi dans quelques formes extérieures au mariage chrétien – en tout état de cause fondé sur la relation stable et vraie d’un homme et d’une femme –, que nous estimons orientées, en tout cas, vers cela. Considérant la sagesse humaine des peuples et des cultures, l’Église reconnaît aussi cette famille comme la cellule de base nécessaire et féconde de la coexistence humaine. ¦160-22¦

Vérité et beauté de la famille et miséricorde envers les familles blessées et fragiles

  1.  Avec un mélange de joie intime et de profonde consolation, l’Église regarde les familles qui restent fidèles aux enseignements de l’Évangile, en les remerciant et en les encourageant pour le témoignage qu’elles offrent. En fait, grâce à elles, la beauté du mariage indissoluble et fidèle pour toujours devient crédible. C’est dans la famille, « cette sorte d’Église qu’est le foyer » (Lumen gentium, 11), que mûrit la première expérience ecclésiale de la communion entre les personnes, dans laquelle se reflète, par la grâce de Dieu, le mystère de la sainte Trinité. « C’est ici que l’on apprend l’endurance et la joie du travail, l’amour fraternel, le pardon généreux, même réitéré, et surtout le culte divin par la prière et l’offrande de sa vie » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1657). La Sainte famille de Nazareth en est le modèle admirable, à l’école de laquelle on « comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle, si l’on veut suivre l’enseignement de l’Évangile et devenir disciples du Christ » (Paul VI,Discours à Nazareth, 5 janvier 1964)

(10)

. L’Évangile de la famille nourrit aussi ces graines qui attendent encore de mûrir, et doit prendre soin de ces arbres qui sont desséchés et ne doivent pas être laissés à l’abandon… ¦169-10¦

  1.  L’Église, en tant que maîtresse confiante et mère prévenante, tout en reconnaissant que pour les baptisés il n’existe pas d’autre lien nuptial que ce sacrement, et que toute rupture de celui-ci est contraire la volonté de Dieu, est également consciente de la fragilité de nombre de ses enfants qui peinent sur le chemin de la foi. « Par conséquent, sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour. (…) Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. La consolation et l’aiguillon de l’amour salvifique de Dieu, qui œuvre mystérieusement en toute personne, au-delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre chacun » (Evangelii gaudium44)

(11)

¦170-11¦

  1.  En ce qui concerne une approche pastorale envers les personnes ayant contracté un mariage civil, les divorcés et remariés, ou ceux qui tout simplement vivent en concubinage, il revient à l’Église de leur révéler la divine pédagogie de la grâce dans leur vie et de les aider à atteindre la plénitude du plan de Dieu en eux. En suivant le regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1, 9 ; Gaudium et spes, 22), l’Église se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète, en reconnaissant que la grâce de Dieu opère aussi dans leur vie, en leur donnant le courage d’accomplir le bien, pour prendre soin l’un de l’autre et être au service de la communauté dans laquelle ils vivent et travaillent. ¦140-39¦
  2.  L’Église observe avec appréhension la défiance de nombreux jeunes envers l’engagement conjugal, souffre de la précipitation avec laquelle de nombreux fidèles décident de mettre fin au lien pour lequel ils se sont engagés, et d’en instaurer un autre. Ces fidèles, qui font partie de l’Église, nécessitent une attention pastorale miséricordieuse et encourageante, en faisant la distinction, de manière appropriée, entre les situations. Il y a lieu d’encourager les jeunes baptisés à ne pas hésiter face à la richesse que le sacrement du mariage procurera à leurs projets amoureux, forts du soutien qu’ils reçoivent de la grâce du Christ et de la possibilité de participer pleinement à la vie de l’Église. ¦166-14¦
  3.  À cet égard, une nouvelle dimension de la pastorale familiale consiste à prêter attention à la réalité des mariages civils entre un homme et une femme, aux mariages traditionnels et, compte tenu des différences, également aux concubinages. Lorsque l’union atteint une certaine stabilité à travers un lien public, lorsqu’elle est caractérisée par une profonde affection, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, et par une capacité à surmonter les épreuves, elle peut être considérée comme une occasion d’accompagnement vers le sacrement du mariage. Très souvent, néanmoins, le concubinage est déterminé non pas en vue d’un futur mariage éventuel, mais sans aucune intention d’établir une relation institutionnelle. ¦147-34¦

28. Conformément au regard miséricordieux de Jésus, l’Église doit accompagner avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, qui portent les marques de l’amour blessé et perdu, en leur redonnant la confiance et l’espérance, comme la lumière du phare dans un port ou celle d’un flambeau tenu au milieu de la foule pour éclairer ceux qui ont fait fausse route ou se trouvent en pleine tempête. Conscients que la plus grande miséricorde consiste à dire la vérité avec amour, nous allons au-delà de la compassion. L’amour miséricordieux, attire et unit, et ainsi transforme et élève. Il invite à la conversion. Aussi, de la même manière, comprenons-nous l’attitude du Seigneur, qui ne condamne pas la femme adultère, mais lui demande de ne plus pécher (cf. Jn 8, 1-11). ¦152-27¦

(1) DC 1982, n. 1821, p. 3.

(2) DC 1968, n. 1523, col. 1441-1457.

(3) DC 1994, n. 2090, p. 251-276.

(4) DC 1982, n. 1821, p. 4-5.

(5) DC 2006, n. 2352, p. 168.

(6) Id., p. 171-172.

(7) DC 2009 n. 2429, p. 775-776.

(8) DC 2013, n. 2512, p. 28.

(9) DC 1991, n. 2022, p. 173.

(10) DC 1967, n. 1417, p. 174.

(11) DC 2014, n. 2513, p. 18-19.

III – La discussion : les perspectives pastorales

 

Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes

  1.  Le dialogue synodal s’est attardé sur certaines des requêtes pastorales les plus pressantes afin qu’elles soient mises en œuvre au niveau des Églises locales, dans la communion « cum Petro et sub Petro ». L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation. L’Église est appelée à la mener à bien avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4, 15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la juger, mais pour la sauver (cf. Jn 3, 16-17). ¦176-7¦
  2.  Évangéliser relève de la responsabilité du peuple de Dieu tout entier, chacun selon son propre ministère et son propre charisme. Sans le témoignage joyeux des conjoints et des familles, Église domestique, l’annonce, même si elle est correcte, risque de ne pas être comprise et de se noyer dans le flot de paroles qui caractérise notre société (cf. Novo millennio ineunte, 50)

(12)

. Les pères synodaux ont à plusieurs reprises souligné que les familles catholiques, en vertu de la grâce du sacrement nuptial, sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale. ¦178-2¦

31. Il s’avérera fondamental de mettre en exergue le primat de la grâce, et par conséquent, les possibilités que l’Esprit offre par le sacrement. Il s’agit de faire sentir que l’Évangile de la famille est une joie qui « remplit le cœur et toute la vie », parce que dans le Christ nous sommes « libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement » (Evangelii gaudium1)

(13)

. À la lumière de la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3), notre tâche consiste à coopérer aux semailles : le reste est l’œuvre de Dieu. Il ne faut pas non plus oublier que l’Église qui prêche sur la famille est un signe de contradiction. ¦175-4¦

32. C’est pourquoi une conversion missionnaire est demandée à toute l’Église : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes. Il ne faut jamais oublier que la crise de la foi implique une crise du mariage et de la famille et que, par conséquent, la transmission de cette même foi des parents aux enfants a souvent été interrompue. L’imposition de certaines perspectives culturelles qui affaiblissent la famille et le mariage n’ont pas d’incidence sur une foi solide. ¦176-5¦

33. La conversion est aussi celle du langage pour qu’il soit effectivement significatif. L’annonce doit faire sentir que l’Évangile de la famille est la réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine : à sa dignité et à la pleine réalisation dans la réciprocité, dans la communion et dans la fécondité. Il ne s’agit pas seulement de présenter des règles, mais de proposer aussi des valeurs, en répondant ainsi à un besoin que l’on constate aujourd’hui également dans les pays les plus sécularisés.¦175-7¦

34. La parole de Dieu est source de vie et de spiritualité pour la famille. Toute la pastorale familiale devra se laisser modeler intérieurement et former les membres de l’Église domestique au moyen de la lecture orante et ecclésiale des saintes Écritures. La parole de Dieu n’est pas seulement une bonne nouvelle pour la vie privée des personnes, elle est aussi un critère de jugement et une lumière permettant le discernement des diverses fois auxquelles sont confrontés les conjoints et les familles.¦180-1¦

35. Parallèlement, de nombreux pères synodaux ont insisté sur une approche plus positive vis-à-vis des richesses des diverses expériences religieuses, sans taire les difficultés. Dans ces diverses réalités religieuses et dans la grande diversité culturelle qui caractérise les nations, il convient d’estimer tout d’abord les possibilités positives et, à la lumière de celles-ci, d’en évaluer les limites et les carences. ¦164-17¦

36. Le mariage chrétien est une vocation devant être accompagnée d’une préparation adéquate dans un parcours de foi, après un discernement mûr. Il ne doit pas être considéré uniquement comme une tradition culturelle ou une exigence sociale ou juridique. Il convient donc de mettre en place des itinéraires qui puissent guider la personne et le couple de telle sorte que la communication des contenus de la foi soit rejointe par l’expérience de vie offerte par la communauté ecclésiale dans son ensemble. ¦177-1¦

37. Maintes fois a été rappelée la nécessité d’un renouveau radical de la pratique pastorale, à la lumière de l’Évangile des familles, et de dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore. C’est pourquoi l’accent a été mis à plusieurs reprises sur le renouvellement de la formation des prêtres, des diacres, des catéchistes et des autres agents pastoraux, moyennant une implication plus grande des familles. ¦175-2¦

38. De même, a été souligné le besoin d’une évangélisation qui dénonce avec franchise le conditionnement culturel, social, politique et économique, comme par exemple la place excessive donnée à la logique du marché, qui empêche une vie familiale authentique, entraînant la discrimination, la pauvreté, l’exclusion, la violence. C’est pourquoi il faut susciter le dialogue et la coopération avec les structures sociales, et encourager et soutenir les laïcs qui s’engagent, en tant que chrétiens, dans les domaines culturel et sociopolitique. ¦178-1¦

Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage

39. La réalité sociale complexe et les défis que la famille est appelée à affronter aujourd’hui demandent un engagement plus grand de toute la communauté chrétienne pour la préparation des futurs époux au mariage. Il est nécessaire de rappeler l’importance des vertus. Parmi celles-ci, la chasteté s’avère une précieuse condition permettant à l’amour interpersonnel de croître véritablement. En ce qui concerne cette nécessité, les pères synodaux ont insisté d’un commun accord sur l’exigence d’une implication plus grande de la communauté tout entière, en privilégiant le témoignage de ces mêmes familles, ainsi que l’ancrage de la préparation au mariage dans le parcours d’initiation chrétienne, en insistant sur le lien du mariage avec le baptême et les autres sacrements. Il a également été mis en évidence le besoin de programmes spécifiques, pour la préparation d’un prochain mariage, qui soient une véritable expérience de participation à la vie ecclésiale et approfondissent les différents aspects de la vie familiale. ¦176-4¦

Accompagner les premières années de la vie conjugale

40. Les premières années de mariage représentent une période vitale et délicate au cours de laquelle le couple devient plus conscient des défis et du sens du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui se poursuive après la célébration du sacrement (cf. Familiaris consortio, Partie III)

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. Dans cette pastorale, la présence d’époux ayant de l’expérience s’avère de la plus haute importance. La paroisse est considérée comme le lieu où les couples expérimentés peuvent être mis à la disposition des plus jeunes, avec le concours éventuel d’associations, de mouvements ecclésiaux et de communautés nouvelles. Les époux doivent être encouragés à adopter une attitude fondamentale d’accueil du grand don que représentent les enfants. Il est nécessaire de mettre l’accent sur l’importance de la spiritualité familiale, de la prière et de la participation à l’Eucharistie dominicale, en incitant les couples à se réunir régulièrement pour promouvoir la croissance de la vie spirituelle et la solidarité face aux exigences concrètes de la vie. Les liturgies, les pratiques dévotionnelles et les Eucharisties célébrées pour les familles, surtout à l’occasion de l’anniversaire de mariage, sont considérées comme étant vitales pour favoriser l’évangélisation à travers la famille. ¦179-1¦

Le soin pastoral envers ceux qui sont mariés civilement ou vivent en concubinage

41. Tout en continuant d’annoncer et de promouvoir le mariage chrétien, le Synode encourage aussi le discernement pastoral en ce qui concerne la situation de tous ceux qui ne vivent plus cette réalité. Il est important d’entrer en dialogue pastoral avec ces personnes afin de mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent conduire vers une plus grande ouverture à l’Évangile du mariage dans sa plénitude. Les pasteurs doivent identifier les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle. Aujourd’hui, dotée d’une sensibilité nouvelle, la pastorale, s’efforce de saisir les éléments positifs présents dans le mariage civil et, et compte tenu des différences, du concubinage. Il faut que dans la proposition ecclésiale, tout en affirmant clairement le message chrétien, nous indiquions aussi les éléments constructifs présents dans ces situations qui ne correspondent plus ou pas encore à celui-ci. ¦125-54¦

42. Dans beaucoup de pays, on relève également, un « nombre croissant de couples qui vivent ensemble ad experimentum, sans aucun mariage, ni canonique ni civil » (Instrumentum laboris, 81). Dans certaines contrées, cela se produit spécifiquement dans le cadre du mariage traditionnel, convenu entre familles et souvent célébré en plusieurs étapes. En revanche, dans d’autres pays, le nombre de ceux qui, après avoir longtemps vécu ensemble, demandent la célébration du mariage à l’église, ne cesse d’augmenter. Le simple concubinage est souvent choisi en raison de la mentalité générale, contraire aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi dans l’attente d’une certaine sécurité matérielle (travail, salaire fixe). Dans d’autres pays, enfin, les unions de fait sont très nombreuses, non seulement par rejet des valeurs de la famille et du mariage, mais surtout parce que se marier est perçu comme un luxe, à cause des conditions sociales ; c’est ainsi que la misère matérielle pousse à vivre dans une union de fait. ¦143-37¦

43. Toutes ces situations doivent être affrontées de manière constructive, en essayant de les transformer en l’opportunité de cheminer vers la plénitude du mariage et de la famille, à la lumière de l’Évangile. Il s’agit de les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse. À cet effet, le témoignage attrayant de familles chrétiennes authentiques comme sujets de l’évangélisation de la famille, est important. ¦162-14¦

Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés, familles monoparentales)

44. Quand les époux connaissent des problèmes dans leurs relations, ils doivent pouvoir compter sur l’aide et l’accompagnement de l’Église. La pastorale de la charité et la miséricorde tendent à réhabiliter les personnes et les relations. L’expérience montre qu’avec l’aide adéquate, et l’action de réconciliation de la grâce, une grande proportion des crises conjugales parviennent à être surmontées de manière satisfaisante. Savoir pardonner et sentir qu’on est pardonné est une expérience fondamentale dans la vie familiale. Le pardon entre époux permet de vivre un amour qui soit pour toujours et ne passe jamais (cf. Co 13, 8). Parfois, il peut pourtant s’avérer difficile, pour celui qui a reçu le pardon de Dieu, d’avoir la force d’offrir un pardon authentique qui régénère la personne. ¦171-7¦

45. Au cours du Synode, le besoin de choix pastoraux courageux a été clairement ressenti. Confirmant de nouveau avec force la fidélité à l’Évangile de la famille et reconnaissant que la séparation et le divorce sont toujours une blessure qui provoque de profondes souffrances chez les conjoints qui le vivent et chez les enfants, les pères synodaux ont perçu l’urgence de nouveaux chemins pastoraux, qui partent de la réalité effective des fragilités familiales, en sachant que, souvent, celles-ci sont davantage « subies » dans la souffrance que choisies en toute liberté. Il s’agit de situations diverses dues à des facteurs tout autant personnels que culturels et socioéconomiques. Il est nécessaire de porter un regard différencié comme le suggérait saint Jean-Paul II (cf. Familiaris consortio, 84)

(15)

¦165-15¦

46. Toute famille doit en premier lieu être écoutée avec respect et amour, en se faisant des compagnons de route, comme le Christ avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs. Dans ces situations, les paroles du pape François sont particulièrement pertinentes : « L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5). Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne » (Evangelii gaudium169)

(16)

¦171-8¦

47. Un discernement particulier est indispensable pour accompagner pastoralement les personnes séparées, divorcées, celles qui sont abandonnées. Il faut notamment accueillir et souligner la souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation, le divorce ou l’abandon, ou bien ont été contraints, à cause des mauvais traitements que leur faisait subir leur conjoint, d’interrompre la cohabitation. Pardonner l’injustice subie n’est pas facile, mais c’est un chemin que la grâce rend possible. D’où la nécessité d’une pastorale de la réconciliation et de la médiation à travers également des centres d’écoute spécialisés dans les diocèses. De même, il faut toujours souligner qu’il est indispensable de prendre en charge, de manière loyale et constructive, les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants, qui dans tous les cas sont les victimes innocentes de la situation. Ils ne peuvent pas devenir un « objet » de dispute, et il faut chercher les meilleurs moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus sereinement possible. En tout état de cause, l’Église devra toujours mettre en évidence l’injustice qui très souvent découle d’une situation de divorce. Une attention particulière sera prêtée à l’accompagnement des familles monoparentales, et une aide spéciale sera accordée aux femmes qui doivent porter seules la responsabilité de la maison et de l’éducation des enfants. ¦164-12¦

48. Un grand nombre de pères ont souligné la nécessité de rendre les procédures de reconnaissance des cas de nullité du mariage plus accessibles, moins pesantes, et si possible, totalement gratuites. Il a été notamment proposé : de pouvoir se passer de l’obligation de la double sentence conforme ; d’ouvrir une voie administrative sous la responsabilité de l’évêque diocésain ; d’entamer un procès sommaire dans les cas de nullité notoire. Néanmoins, certains pères se sont dits opposés à ces propositions parce qu’elles ne garantiraient pas un jugement fiable. Il a été rappelé que dans tous ces cas de figure, il s’agit d’établir la vérité sur la validité du lien. Selon d’autres propositions, il faudrait envisager la possibilité d’accorder de l’importance au rôle de la foi des futurs époux en ce qui concerne la validité du sacrement du mariage, étant entendu qu’entre baptisés, tous les mariages valides sont sacrement. ¦143-35¦

49. Quant aux procès matrimoniaux, outre la préparation d’un nombre suffisant d’agents, de clercs et de laïcs, qui s’y consacrent prioritairement, la simplification de la procédure, demandée par un grand nombre, exige que l’on souligne la responsabilité de l’évêque diocésain, qui pourrait, dans son diocèse, charger des consultants, préparés en bonne et due forme, de conseiller gratuitement les parties sur la validité de leur mariage. Ce type de fonction peut être exercé par un bureau ou des personnes qualifiées (cf. Dignitas connubii, art. 113, 1). ¦154-23¦

50. Les personnes divorcées non remariées, qui souvent sont des témoins de la fidélité conjugale, doivent être encouragées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutient dans leur état. La communauté locale et les pasteurs doivent accompagner ces personnes avec sollicitude, surtout s’il y a des enfants et s’ils vivent dans de graves conditions de pauvreté. ¦169-8¦

51. La situation des personnes divorcées remariées exige aussi un discernement attentif et un accompagnement empreint de respect, évitant tout langage ou attitude qui les feraient se sentir l’objet de discriminations, et encourageant leur participation à la vie de la communauté. Prendre soin de ces personnes ne représente pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage à propos de l’indissolubilité du mariage. Au contraire, par ces soins, elle exprime justement sa charité. ¦155-19¦

52. Il a été réfléchi à la possibilité pour les divorcés remariés d’accéder aux sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie. Un certain nombre de pères synodaux se sont maintenus en faveur de la discipline actuelle en vertu de la relation constitutive existant entre la participation à l’Eucharistie et la communion avec l’Église, et son enseignement sur l’indissolubilité du mariage. D’autres se sont exprimés en faveur d’un accueil non généralisé à la table eucharistique, dans certaines situations particulières et à des conditions bien précises, surtout quand il s’agit de cas irréversibles et liés à des obligations morales envers les enfants qui viendraient à en souffrir de manière injuste. L’éventuel accès aux sacrements devrait être précédé d’un chemin pénitentiel sous la responsabilité de l’évêque diocésain. La question doit encore être approfondie, en tenant bien compte de la distinction entre la situation objective de péché et les circonstances atténuantes, étant donné que « L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées » par divers « facteurs psychiques ou sociaux » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1735). ¦104-74¦

53. Certains pères ont soutenu que les personnes divorcées remariées ou vivant en concubinages pouvaient recourir utilement à la communion spirituelle. D’autres pères se sont demandé pourquoi, alors, elles ne pouvaient accéder à la communion sacramentelle. Il a donc été demandé d’approfondir la thématique afin de faire émerger la particularité des deux formes et leur connexion avec la théologie du mariage. ¦112-64¦

54. Les questions relatives aux mariages mixtes sont souvent revenues dans les interventions des pères synodaux. La diversité de la discipline relative au mariage dans les Églises orthodoxes pose, dans certains contextes, des problèmes auxquels il est nécessaire de réfléchir dans un cadre œcuménique. De façon analogue, en ce qui concerne les mariages interreligieux, le dialogue avec les religions pourra contribuer de manière importante à la réflexion. ¦145-29¦

L’attention pastorale envers les personnes ayant une orientation homosexuelle

55. Certaines familles font l’expérience d’avoir au sein d’elles-mêmes des personnes avec une orientation homosexuelle. À cet égard, on s’est interrogé sur les attentions pastorales qui seraient opportunes face à cette situation, en se référant à l’enseignement de l’Église : « Il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Néanmoins, les hommes et les femmes à tendance homosexuelle doivent être accueillis avec respect et délicatesse. « À leur égard, on évitera toute marque de discrimination injuste » (Congrégation pour la doctrine de la foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles,

4

)

(17)

¦118-62¦

56. Il est tout à fait inacceptable que les pasteurs de l’Église subissent des pressions dans ce domaine et que les organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois qui instituent le « mariage » entre personnes du même sexe. ¦159-21¦

 

La transmission de la vie et le défi de la dénatalité

57. On constate aisément la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement de la vie à une variable des projets individuels ou de couple. Les facteurs d’ordre économique exercent un poids parfois déterminant, contribuant à la baisse substantielle de la natalité qui affaiblit le tissu social, compromet les relations entre les générations et rend plus incertain le regard vers l’avenir. L’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal. Dès lors, l’Église soutient les familles qui accueillent, éduquent et entourent de leur affection les enfants handicapés. ¦169-5¦

58. De même faut-il, dans ce domaine, se fonder sur l’écoute des personnes et expliquer que la beauté et la vérité d’une ouverture sans réserve à la vie est ce dont l’amour humain a besoin pour être vécu en plénitude. C’est sur cette base que peut reposer un enseignement adéquat sur les méthodes naturelles pour une procréation responsable. Cela aide à vivre de manière harmonieuse et consciente la communion entre époux, dans toutes ses dimensions, conjointement à la responsabilité d’engendrer. Dans cette optique, il faut redécouvrir le message de l’encycliqueHumanae vitae de Paul VI, qui souligne la nécessité de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de contrôle des naissances. L’adoption d’enfants, orphelins et abandonnés, accueillis par les couples comme leurs propres enfants, est une forme spécifique d’apostolat familial (cf. Apostolicam actuositatem III, 11), constamment rappelé et encouragé par le Magistère (cf.Familiaris consortio III, II, Evangelium vitae IV, 93)

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. Choisir d’adopter ou d’être famille d’accueil est l’expression d’une fécondité particulière de l’expérience conjugale, et pas seulement lorsque celle-ci est marquée par la stérilité. Un tel choix est le signe éloquent de l’amour familial, l’occasion de témoigner de sa foi et de redonner la dignité filiale à celui ou celle qui en a été privé. ¦167-9¦

59. Il faut tenter de vivre l’affectivité, également dans le lien conjugal, comme un chemin de maturation, dans l’accueil de plus en plus profond de l’autre et en se donnant toujours plus pleinement. En ce sens, il faut insister sur la nécessité d’offrir des chemins de formation qui alimentent la vie conjugale, et sur l’importance d’un laïcat qui offre un accompagnement fait de témoignages vivants. L’exemple d’un amour fidèle et profond, fait de tendresse, de respect, capable de croître dans le temps et qui vit, par son ouverture concrète à l’engendrement de la vie, l’expérience d’un mystère qui nous transcende, est d’une grande aide. ¦172-5¦

Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation

60. L’un des défis fondamentaux face auxquels se trouvent les familles d’aujourd’hui est certainement celui de l’éducation, rendu plus difficile et complexe par la réalité culturelle actuelle et la grande influence des médias. Il faut bien tenir compte des exigences et des attentes de familles capables d’être, dans la vie quotidienne, des lieux de croissance, de transmission concrète et essentielle des vertus qui forgent l’existence. Cela indique que les parents peuvent largement choisir le type d’éducation qu’ils souhaitent donner à leurs enfants en fonction de leurs convictions. ¦174-4¦

61. L’Église joue un rôle précieux de soutien auprès des familles, à partir de l’initiation chrétienne, à travers des communautés accueillantes. Aujourd’hui encore plus qu’hier, dans les situations complexes comme dans les plus ordinaires, il lui est demandé de soutenir les parents dans leur tâche éducative, en accompagnant les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur croissance, par des parcours personnalisés, pouvant les introduire au sens plénier de la vie, et susciter des choix et des responsabilités, vécus à la lumière de l’Évangile. Marie, dans sa tendresse, sa miséricorde, sa sensibilité maternelle peut contenter la faim d’humanité et de vie pour laquelle elle est invoquée par les familles et par le peuple chrétien. La pastorale et la dévotion mariale constituent un bon point de départ pour annoncer l’Évangile de la famille. ¦178-1¦

(12) DC 2001, n. 2240, p. 86.

(13) DC 2014, n. 2513, p. 6.

(14) DC 1982, n. 1821, p. 17-24.

(15) Id., p. 32-33.

(16) DC 2014, n. 2513, p. 51-52.

(17) DC 2003, n. 2298, p. 799-800.

(18) DC 1982, n. 1821, p. 10-16 et DC 1995, n. 2114, p. 397-398.

 

Conclusion

62. Les réflexions proposées, fruit du travail synodal qui s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque, entendent poser des questions et indiquer des perspectives que les Églises locales devront faire mûrir et préciser, par leur réflexion, durant l’année qui nous sépare de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, prévue en octobre 2015, et consacrée à la vocation et à la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain. Il ne s’agit pas de décisions prises, ni de perspectives faciles. Cependant, le chemin collégial des évêques et la participation du peuple de Dieu tout entier, sous l’action du Saint-Esprit, le regard posé sur le modèle que constitue la Sainte famille, pourront nous guider vers des voies de vérité et de miséricorde pour tous. Tel est le souhait que le pape François a exprimé dès le début de nos travaux, en nous invitant au courage de la foi et à l’accueil humble et honnête de la vérité dans la charité. ¦169-8¦


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