Voici quelques extraits des derniers interviews du pape François
De la revue Etudes
Revue Études – 14, rue d’Assas – 75006 Paris – Octobre 2013 – pages 15-18
« Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité.
Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste.
Soigner les blessures, soigner les blessures… Il faut commencer par le bas.
L’Église s’est parfois laissé enfermer dans des petites choses, de petits préceptes. Le plus important est la première annonce : “Jésus Christ t’a sauvé !” Les ministres de l’Église doivent être avant tout des ministres de miséricorde. Le confesseur, par exemple, court toujours le risque d’être soit trop rigide, soit trop laxiste. Aucune des deux attitudes n’est miséricordieuse parce qu’aucune ne fait vraiment cas de la personne. Le rigoureux s’en lave les mains parce qu’il s’en remet aux commandements. Le laxiste s’en lave les mains en disant simplement “cela n’est pas un péché” ou d’autres choses du même genre. Les personnes doivent être accompagnées et les blessures soignées. Comment traitons-nous le peuple de Dieu? Je rêve d’une Église mère et pasteur. Les ministres de l’Église doivent être miséricordieux, prendre soin des personnes, les accompagner comme le bon Samaritain qui lave et relève son prochain. Cet évangile est pur. Dieu est plus grand que le péché. Les réformes structurelles ou organisationnelles sont secondaires, c’est-à-dire qu’elles viennent dans un deuxième temps. La première réforme doit être celle de la manière d’être. Les ministres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchau.er le cœur des personnes, de dialoguer et cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. Le peuple de Dieu veut des pasteurs et pas des fonctionnaires ou des clercs d’État. Les évêques, particulièrement, doivent être des hommes capables de soutenir avec patience les pas de Dieu parmi son peuple, de manière à ce que personne ne reste en arrière, mais aussi d’accompagner le troupeau qui a le .air pour trouver de nouvelles voies.
Au lieu d’être seulement une Église qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, efforçons-nous d’être une Église qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. Parfois celui qui s’en est allé l’a fait pour des raisons qui, bien comprises et évaluées, peuvent le conduire à revenir. Mais il y faut de l’audace, du courage. »
Je prends note de ce que le Saint Père est en train de dire et évoque le fait qu’il y a des chrétiens qui vivent dans des situations irrégulières pour l’Église ou tout au moins des situations complexes, des chrétiens qui d’une manière ou d’une autre, vivent des blessures ouvertes. Je pense aux divorcés remariés, aux couples homosexuels, aux autres situations difficiles. Comment faire alors une pastorale missionnaire ? Le pape me fait signe qu’il a compris ce que j’essaye de dire et répond : « Nous devons annoncer l’Évangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. À Buenos Aires j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles,qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elles se ressentent depuis toujours condamnées par l’Église. Mais ce n’est pas ce que veut l’Église.
L’Église ne doit pas seulement attendre
les divorcés remariés, mais aller les chercher»
- Par Jean-Marie Guénois
- Mis à jour le 30/07/2013 à 12:41
- Publié le 29/07/2013 à 19:45
La pastorale matrimoniale sera l’un des thèmes du conseil des huit cardinaux qui se réunira à Rome du 1er au 3 octobre prochain.
Au cours de sa conversation avec les journalistes, le pape a largement abordé la question des divorcés remariés. «La question des divorcés remariés revient sans cesse, a-t-il ainsi constaté, il faut tout d’abord dire que la miséricorde est plus grande que toutes ces situations. Car je pense que nous sommes dans le temps de la miséricorde. Or, l’Église est mère mais elle a aussi laissé tant de blessés. Pourtant le Seigneur ne se fatigue jamais de pardonner. Et nous n’avons pas d’autre choix que cela!»
«Avant tout, donc, il faut soigner les blessés, a ajouté le Pape, l’Église est mère. Elle doit aller sur la voie de la miséricorde et trouver une façon d’exprimer la miséricorde pour tous. Quand le fils prodigue est revenu à la maison, son papa ne lui a pas demandé: “Qu’as-tu fait de l’argent?” Mais il s’est inquiété pour lui et a organisé une fête pour le recevoir. L’Église doit donc faire de même: pas seulement attendre les divorcés remariés mais aller les trouver. Voilà la miséricorde!
Le véritable problème est celui de la communion pour les personnes qui se sont remariées – car les divorcés peuvent communier mais ils ne le peuvent plus en secondes noces. Et là, il faut repenser toute la pastorale matrimoniale car nous avons un problème sur la communion.
Les orthodoxes ont une pratique différente. Ils permettent une seconde possibilité pour un couple qui peut se refaire.
La pastorale matrimoniale sera l’un des thèmes du conseil des huit cardinaux qui se réunira à Rome du 1er au 3 octobre prochain. Il s’agira de voir comment avancer avec ce problème. Nous allons aussi étudier cette question dans le cadre du synode des évêques, car c’est un thème anthropologique.
Nous sommes donc en route pour travailler en profondeur à une pastorale du Pape . Mon prédécesseur à Buenos Aires estimait que la moitié des mariages pouvaient être frappés de nullité au sens du droit canonique. Ils se marient souvent sans maturité ou pour des convenances sociales. Il faut ainsi réviser la question juridique de la nullité de mariage. Réviser cette procédure car les tribunaux ecclésiastiques ne suffisent pas pour cela.»