Mgr Doré Strasbourg 1er mai 2004
Orientations pour une pastorale des personnes divorcées et divorcées remariées
Il y a plusieurs années déjà s’est engagée en France et dans notre diocèse une réflexion concernant la pastorale des personnes divorcées et divorcées remariées. Une commission du Conseil du Presbyterium a fourni un premier dossier qui a été discuté en Conseil Episcopal et en assemblée du Presbyterium. Mgr MUSSER, vicaire général, a rédigé un bref document de synthèse et, en mars 2003, une nouvelle équipe de prêtres a repris le chantier et a produit un document de travail qui a été présenté à la session du Presbyterium des 24 et 25 novembre 2003. C’est à partir de ces différentes contributions qu’est née cette proposition d’orientations pour une pastorale des personnes divorcées et divorcées remariées.
1. Des blessures
Le divorce est une épreuve souvent dramatique. Les torts de l’un et de l’autre conjoints ne sont pas toujours les mêmes. Toute séparation résulte de blessures anciennes et en provoque de nouvelles. Il s’agit d’un échec douloureux autant pour le couple que pour les enfants et souvent pour l’entourage familial et amical. Chez les personnes concernées apparaît progressivement un réel besoin de pouvoir assumer leur histoire et tout ce qu’elle a comporté.
La pastorale de l’Eglise – qui se reconnaît elle-même atteinte par tout échec d’un mariage – doit proposer des lieux d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des personnes, pour qu’elles puissent soigner leurs blessures, retrouver un équilibre humain et spirituel, et leur juste place dans la communauté chrétienne.
Je demande qu’en lien avec le service de pastorale familiale, existent dans les zones pastorales des propositions en direction des personnes divorcées et divorcées remariées. Celles-ci pourront y trouver un espace de dialogue, d’amitié et de partage, car c’est seulement dans un réseau de relations authentiques qu’un chemin de guérison et de libération peut apparaître. Je demande que continuent d’être examinés avec attention les recours possibles à l’Officialité diocésaine, dont la mission est de discerner la validité ou la nullité du consentement donné par les époux.
2. Une vie en Eglise
Les baptisés divorcés et divorcés remariés continuent d’être des chrétiens, mais la situation ecclésiale des uns et des autres est différente.
a. Les personnes divorcées non remariées par fidélité à leur premier mariage sont pleinement et à tout niveau admises à la vie sacramentelle et appelées à participer à la vie de l’Eglise. Elles ont sans doute plus que d’autres besoin de soutien, étant donné la solitude dans laquelle elles se trouvent souvent. Elles méritent la considération de l’Eglise. Leur «témoignage de fidélité et de cohérence chrétienne est d’une valeur toute particulière pour le monde et pour l’Eglise ; celle-ci doit plus que jamais leur apporter une aide pleine de sollicitude affectueuse, sans qu’il y ait aucun obstacle à leur admission aux sacrements» (Familiaris Consortio, 83).
L’Eglise reconnaît le témoignage précieux qu’elles apportent à d’autres : couples fidèles, veufs et veuves, personnes qui vivent un célibat choisi ou non…. Dans un monde où le divorce se banalise, de telles personnes sont aussi des témoins de la fidélité à la parole donnée, des témoins de la fidélité de Dieu.
b. Les personnes divorcées qui se sont remariées ne sont pas exclues de l’Eglise.
« L’Eglise, en effet, instituée pour mener au salut tous les hommes, et en particulier les baptisés, ne peut pas abandonner à eux-mêmes ceux qui, déjà unis dans les liens du sacrement de mariage, ont voulu passer à d’autres noces. Elle doit donc s’efforcer, sans se lasser, de mettre à leur disposition les moyens de salut qui sont les siens. » (Familiaris Consortio, 84).
Ces personnes continuent d’avoir des droits et des devoirs en tant que membres de l’Eglise, même si la question de la non-admission aux sacrements est vécue douloureusement par beaucoup. Elles ont le droit et le devoir d’approfondir leur foi et de se former, de participer à la prière et à la vie de l’Eglise, de faire baptiser leurs enfants et de les élever dans la foi chrétienne, de prendre leur part dans l’engagement auprès des pauvres, des malades, des personnes dans le besoin… L’Église, sans les tromper sur la vérité de leur situation, ne prétend pas juger l’intime de leur conscience. Elle invite les personnes divorcées remariées à vivre cette situation comme un chemin de sainteté possible, en lien avec la communauté ecclésiale.
La messe dominicale est un temps fort auquel les personnes divorcées remariées sont elles aussi invitées. Leur situation matrimoniale porte cependant de fait préjudice au signe de l’alliance du Christ et de l’Eglise. Comme les sacrements du mariage et de l’eucharistie sont tous deux signes de cette alliance, l’Eglise demande aux personnes divorcées remariées de ne pas communier selon la façon habituelle aux fidèles. Il leur est proposé de vivre une «communion de désir», qui pourra porter pour elles de grands fruits. La grâce n’est du reste pas limitée aux sacrements: elle se déploie dans la prière, le partage, l’esprit de service, le combat pour la justice, les différentes formes d’entraide, le pardon mutuel…
Malgré la demande fondée de l’Eglise, des personnes divorcées remariées viennent parfois communier. Dans la plupart des cas, le célébrant ne les connaît pas et, s’il les connaît, il lui paraît odieux de les renvoyer publiquement. Dans ce cas, l’attitude pastorale la meilleure consiste à les éclairer avec délicatesse sur le sens et les enjeux de la position de l’Eglise, et à les inviter à avancer sur un chemin de vérité et d’espérance.
En certains endroits, la mentalité de condamnation des personnes divorcées remariées est encore tenace.
Je demande qu’un travail d’information des communautés soit mené pour rappeler que les personnes divorcées remariées ne sont pas exclues de l’Eglise, que la vie chrétienne leur est ouverte et que, plus que d’autres, elles ont besoin d’accueil, d’écoute et de bienveillance de la part de toutes celles et de tous ceux qui se réclament de l’Evangile du Christ. J’invite tout particulièrement les pasteurs à tout mettre en œuvre pour aider les chrétiens à dépasser les préjugés et pour permettre aux personnes divorcées remariées de trouver leur place dans la communauté chrétienne.
3. Un temps de prière
La question d’une célébration au moment d’un remariage est parfois posée. Rappelons que (hors cas de veuvage) il ne peut y avoir qu’un seul engagement à vie dans le mariage qui soit signe sacramentel de l’engagement de Dieu envers les hommes. Il n’est donc pas possible de célébrer une deuxième fois le sacrement de mariage quand l’un des deux conjoints ou les deux sont divorcés.
Cela dit, un temps de prière peut être envisagé avec le nouveau couple. Pour décider de l’opportunité d’une telle démarche, il convient de tenir compte des circonstances de la séparation et des répercussions possibles sur l’ancien conjoint et l’ensemble de la communauté. Ainsi est-il recommandé au couple de choisir un autre jour que celui du remariage civil, si possible avant celui-ci. Il convient de distinguer l’invitation à la mairie de l’invitation au temps de prière. Il est souhaitable de trouver un autre lieu que l’église paroissiale, en veillant à n’entretenir aucune ambiguïté quant à la nature de ce temps de prière – au cours duquel il n’y aura ni échange de consentement, ni bénédiction d’alliance, ni bénédiction nuptiale, ni signature de registre.
Voici un déroulement possible d’un tel temps de prière :
Les participants prennent le temps de s’accueillir.
L’assemblée écoute un ou plusieurs passages de l’Ecriture et y répond par un psaume ou un chant.
Au nom des personnes présentes, quelqu’un lit la prière d’intercession pour tous les couples, pour ceux qui n’ont pas pu vivre une première alliance, pour tous ceux qui souffrent, pour les enfants d’une première union, pour confier cette famille à Dieu et s’en remettre à sa miséricorde…
Le couple peut exprimer sa prière, lire un texte ou un poème, exprimer ses souhaits…
Après la prière du Notre Père, le président peut offrir aux conjoints une croix ou une image sainte à placer dans leur domicile.
Je demande aux prêtres d’accueillir à la fois avec discernement et bienveillance la demande de prière adressée à l’Eglise par des personnes divorcées à l’occasion de la formation d’un nouveau couple. Ils s’efforceront d’aider les demandeurs à faire la vérité sur eux-mêmes et sur ce qu’ils souhaitent effectivement signifier dans leur démarche, et à éviter tout malentendu quant à la signification de ce moment de prière qui n’est ni un remariage sacramentel, ni un substitut de mariage religieux.
Ces orientations sont certes loin de régler tous les problèmes qui se posent aux personnes divorcées et divorcées remariées, ainsi qu’aux prêtres, agents pastoraux et communautés chrétiennes désireux d’accueillir et d’accompagner en vérité tous ceux et celles qui ont vécu l’échec de leur mariage. Comme dans d’autres domaines, il s’agit de sortir du «tout ou rien», en proposant aux personnes concernées de prendre réellement leur place dans la communauté chrétienne. Enfin, il est souhaitable que la réflexion se poursuive sur la manière de prendre en compte et de traiter l’échec du mariage, sans rien renier de la doctrine catholique de l’indissolubilité du lien matrimonial. Ces orientations entreront en vigueur le 1er septembre et feront l’objet d’une évaluation dans trois ans. Puissent-elles saluer l’effort de toutes celles et de tous ceux qui s’investissent jour après jour dans la fidélité à leur engagement de couple. Puissent-elles en même temps s’adresser avec bienveillance aux personnes qui ont connu l’échec d’une première union et qui, remariées ou non, attendent de l’Eglise accueil, respect et soutien dans la vérité et l’amour. Puissent-elles, enfin, aider les prêtres, diacres, coopérateurs et coopératrices de la pastorale, et la communauté chrétienne dans son ensemble, à mieux remplir près de ces personnes leur mission d’écoute, de discernement et d’accompagnement.
le 1er mai 2004
† Joseph DORÉ
Archevêque de Strasbourg