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ouverture de Mgr Kasper

Le discours du cardinal Kasper, président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, ouvrant le consistoire sur la famille de février devait rester secret. Le quotidien italien Il Foglio l’a rendu public. Et c’est un véritable coup d’accélérateur qui a été donné à l’épineuse question de l’accès à la communion pour les divorcés remariés. Même si Kasper déclare souhaiter seulement « poser des questions, en (se) bornant à indiquer l’orientation des réponses possibles » et martèle que « donner une réponse sera la tâche du synode, en accord avec le pape », il affirme le besoin d’un « changement de paradigme », c’est à dire de « considérer également la situation dans la perspective de ceux qui souffrent et demandent de l’aide ».

Multipliant les références à Joseph Ratzinger, exceptionnellement sorti de l’ombre pour être présent lors du consistoire de février, il a cité l’exemple des Eglises d’origine où, après un temps de pénitence, les divorcés remariés pouvaient communier. A un an du synode sur la famille (octobre 2014), alors que chacun fait valoir sa conception des choses au risque de créer la confusion, la réflexion du cardinal Kasper est d’autant plus importante que le pape l’a saluée en des termes très élogieux : « Il est agréable de lire de la théologie sereine. Et j’y ai également trouvé ce dont saint Ignace nous parlait, ce “sensus Ecclesiæ“, l’amour pour notre Mère l’Église. Cela m’a fait du bien et cela m’a donné une idée – excusez-moi, éminence, si je vous fais rougir – mais l’idée est que cela s’appelle “faire de la théologie à genoux“. » Voici les points principaux de sa réflexion, dont Chiesa Espresso a donné une traduction en français.

Une situation semblable à celle du dernier concile

« Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation semblable à celle du dernier concile, a-t-il affirmé. Déjà à ce moment-là, il y avait, par exemple à propos de la question de l’œcuménisme ou de celle de la liberté de religion, des encycliques et des décisions du Saint-Office qui paraissaient exclure d’autres voies. Le concile, sans violer la tradition dogmatique contraignante, a ouvert des portes. On peut se demander s’il n’y a pas également, pour la question dont nous parlons, la possibilité d’un nouveau développement ».

Indissolubilité du mariage

« (L’Eglise) ne peut pas proposer une solution différente ou contraire à ce qu’a dit Jésus. L’indissolubilité d’un mariage sacramentel et l’impossibilité de contracter un nouveau mariage tant que l’autre partenaire est vivant fait partie de la tradition de foi contraignante de l’Église qui ne peut pas être abandonnée ou dissoute en faisant appel à une compréhension superficielle de la miséricorde à bas prix. »

Complémentarité entre voie juridique et pastorale

« Selon le droit canonique, l’évaluation est une tâche qui incombe aux tribunaux ecclésiastiques. Étant donné que ceux-ci ne sont pas « jure divino », mais qu’ils se sont développés au cours de l’histoire, on se demande quelquefois si la voie judiciaire doit être le seul moyen à utiliser pour résoudre le problème ou s’il ne serait pas possible de recourir à d’autres procédures plus pastorales et plus spirituelles. De manière alternative, on pourrait envisager que l’évêque puisse confier cette tâche à un prêtre possédant une expérience spirituelle et pastorale en tant que pénitencier ou vicaire épiscopal. Indépendamment de la réponse à donner à cette question, il convient de rappeler le discours adressé par le pape François, le 24 janvier 2014 aux dirigeants du tribunal de la Rote Romaine, dans lequel il a affirmé que la dimension juridique et la dimension pastorale ne sont pas en opposition. »

Chemin de pénitence

« Ne chercher la solution du problème que dans un généreux élargissement de la procédure de nullité du mariage serait une erreur. On ferait ainsi naître la dangereuse impression que l’Église procède de manière malhonnête pour accorder ce qui, en réalité, est un divorce. (…) L’Église des débuts nous fournit une indication qui peut aider à sortir de ce dilemme et à laquelle le professeur Joseph Ratzinger avait déjà fait allusion en 1972. (…) Dans chaque Église locale il existait un droit coutumier en vertu duquel les chrétiens qui vivaient une seconde union alors même que leur premier partenaire était encore en vie avaient à leur disposition, après un temps de pénitence, non pas un second mariage, mais plutôt, à travers la participation à la communion, une planche de salut.»

Le retour à l’Eglise des débuts

« Il est indubitable que, dans l’Église des débuts, beaucoup d’Églises locales, en vertu d’un droit coutumier, pratiquaient, après un temps de repentir, la tolérance pastorale, la clémence et l’indulgence. Il faut peut-être également inclure dans le contexte de cette pratique le canon 8 du concile de Nicée (325), tourné contre le rigorisme de Novatien. Ce droit coutumier est expressément signalé par Origène, qui ne le juge pas déraisonnable. De même Basile le Grand, Grégoire de Nazianze et quelques autres y font référence. Ils expliquent le “pas déraisonnable” par l’intention pastorale d’“éviter le pire”. (…) J. Ratzinger a suggéré de reprendre d’une manière nouvelle l’opinion de Basile. Il semble que ce soit une solution appropriée, qui est également à la base des réflexions que je vous livre aujourd’hui. Nous ne pouvons pas faire référence à l’une ou l’autre interprétation historique, qui reste toujours sujette à controverse, pas plus que nous ne pouvons reproduire simplement les solutions de l’Église des débuts dans notre situation présente, qui est complètement différente. Cependant, dans la situation actuelle changée, nous pouvons en reprendre les concepts de base et chercher à les concrétiser aujourd’hui, d’une manière juste et équitable à la lumière de l’Évangile. »

Eviter le pire

« Cette voie possible ne serait pas une solution générale. Ce n’est pas la voie large de la grande masse, mais plutôt la voie étroite de la partie probablement la plus petite des divorcés remariés, sincèrement intéressée par les sacrements. Ne faut-il pas éviter le pire précisément sur ce point ? En effet, lorsque les enfants des divorcés remariés ne voient pas leurs parents s’approcher des sacrements, d’habitude ils ne trouvent pas non plus le chemin vers la confession et vers la communion. Est-ce que nous ne prendrons pas en compte le fait que nous perdrons aussi la génération suivante et peut-être même celle qui viendra ensuite ? Est-ce que notre pratique confirmée ne se montre pas contreproductive ? »


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