Le pape François envisage une commission pour plancher sur le rôle des « diaconesses » dans l’Eglise primitive: “Oui, c’est vrai, c’est confirmé”, indique le vice-directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, Greg Burke, alors que la nouvelle a très vite circulé sur les réseaux sociaux.
Le pape François en a en effet dit un mot spontanément à quelque 900 religieuses de l’Union internationale des supérieures générales (UISG) qu’il a reçues en audience ce jeudi matin, 12 mai 2016, au Vatican, et les « tweets » sont partis sur les cinq continents.
L’étude voulue par Jean-Paul II
Le « diaconat » féminin primitif n’était pas un ministère en vue du sacerdoce, mais un service institué, notamment, pour assister les femmes catéchumènes lors du baptême.
Une enquête historique a été menée en 2003, à la demande de saint Jean-Paul II, par la Commission théologique internationale, mettant en évidence la différence entre “diacre” et “diaconesse”, dans un document intitulé : « Le diaconat. Evolution et perspectives ».
Pour sa part le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi a annoncé que le service de communication du Saint-Siège étaient en train de réécouter l’enregistrement des paroles du pape François pour pouvoir offrir un texte écrit. Il a confirmé la nouvelle concernant l’idée de la commission.
Radio Vatican en italien rapporte : « Le pape François a rappelé que l’ancien rôle des diaconesses n’est pas encore très clair, et il s’est dit disponible pour faire examiner la question par une commission d’étude. »
Le synode et Benoît XVI
Le « diaconat » des femmes a été évoqué au synode sur la famille de 2014, par Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau (Canada), dans une intervention centrée sur le n. 29 du document de travail du synode (Instrumentum laboris) qui évoque le rôle des femmes dans l’Église. Il envisageait « un processus qui pourrait éventuellement ouvrir aux femmes l’accès au diaconat permanent, qui, comme le dit la tradition, est orienté non pas en vue du sacerdoce mais en vue du ministère »: il emploie ici les termes du concile Vatican II parlant des diacres auxquels on a « imposé les mains ‘non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère’ » (Lumen Gentium, n. 29), du service.
Lors de l’audience générale du 14 février 2007, dans une catéchèse consacrées aux « femmes au service de l’Evangile », le pape Benoît XVI commentait le passage de l’Epître aux Romains où Paul parle d’une femme « diakonos », en disant : « L’Apôtre mentionne une certaine « Phébée », qualifiée comme diákonos de l’Eglise de Cencrées, petite ville portuaire située à l’est de Corinthe (cf. Rm 16, 1-2). Bien que le titre, à cette époque, n’ait pas encore de valeur ministérielle spécifique de type hiérarchique, il exprime un véritable exercice de responsabilité de la part de cette femme en faveur de cette communauté chrétienne. Paul recommande de la recevoir cordialement et de l’assister « en toute affaire où elle ait besoin », puis il ajoute: « car elle a pris soin de beaucoup de gens, et de moi aussi ».» Il souhaitait une promotion du rôle de la femme dans l’Eglise, notamment dans le sillage de Mulieris Dignitatem.
La Didascalie des Apôtres
Pour l’évangélisation et l’exercice de la charité auprès des femmes, ainsi que pour la célébration du baptême – alors par immersion – la Didascalie des Apôtres (IIIe s.), citée par le document de 2003, recommande aux évêques d’« établir diacres un homme pour l’exécution des nombreuses choses qui sont nécessaires, et une femme pour le service des femmes. Car il y a des maisons où tu ne peux envoyer un diacre auprès des femmes, mais tu peux envoyer une diaconesse. Et aussi parce que l’office d’une femme diacre est nécessaire quand les femmes descendent dans l’eau; elles doivent être ointes avec l’huile d’onction par une diaconesse. »
La Didascalie dit encore : « La diaconesse doit procéder à l’onction du corps des femmes lors du baptême, instruire les femmes néophytes, visiter chez elles les femmes croyantes et surtout les malades. Il lui est interdit de conférer le baptême lui-même ou de jouer un rôle dans l’offrande eucharistique. »
Les Constitutions apostoliques
Leur statut est codifié par les Constitutions apostoliques (IVe s.), citées aussi par le document de la Commission théologique: « Les Constitutions insistent pour que les diaconesses n’aient aucune fonction liturgique, mais elles étendent leurs fonctions communautaires au « service auprès des femmes » et au rôle d’intermédiaires entre les femmes et l’évêque. Il est toujours dit qu’elles représentent le Saint-Esprit, mais elles « ne font rien sans le diacre ». Elles doivent se tenir près des entrées des femmes dans les assemblées. Leurs fonctions sont ainsi résumées : « La diaconesse ne bénit pas et elle n’accomplit rien de ce que font les presbytres et les diacres, mais elle garde les portes et elle assiste les presbytres lors du baptême des femmes, à cause de la décence ». »
Une loi de Théodose, promulguée le 21 juin 390 (révoquée rapidement), fixait à 60 ans l’âge d’admission au ministère des diaconesses. Le concile de Chalcédoine (canon 15) le ramena à 40 ans en leur interdisant de se marier ensuite.
Le document conclut ce chapitre en disant: « Il semble clair que ce ministère n’était pas perçu comme le simple équivalent féminin du diaconat masculin. Il s’agit à tout le moins d’une fonction ecclésiale, exercée par des femmes, parfois mentionnée avant celle du sous-diacre dans la liste des ministères de l’Église. »
Des questions ouvertes
Ce ministère étant lié au baptême d’adultes, le développement du baptême des enfants, notamment, l’a fait peu à peu oublier. Trois conciles vont même interdire l’accès des femmes au « diaconat ». Même si, en 1017, un pape, Benoît VIII, écrit à l’évêque de Porto lui donnant l’autorité d’ordonner « des prêtres, des diacres, des diaconesses et des sous-diacres ».
Le diaconat devient une étape vers le sacerdoce ordonné et le statut de “diacre”, comme les diacres “permanents” d’aujourd’hui, et les diaconesses disparaissent.
Au XIXe siècle, le terme “diaconesses” réapparaît en milieu protestant, pour désigner des femmes se consacrant aux oeuvres de charité et à l’annonce de l’Evangile.
Le document de 2003 indique lui-même ce qu’il reste à examiner : « L’imposition des mains sur les diaconesses doit-elle être assimilée à celle faite sur les diacres ou se situe-t-elle plutôt dans la ligne de l’imposition des mains faite sur le sous-diacre et le lecteur ? Il est difficile de trancher la question à partir des seules données historiques. Dans les chapitres suivants, des éléments seront clarifiés et des questions resteront ouvertes. »
Voilà, dans ses très grandes lignes, dans quel cadre pourra se dérouler le travail de la Commission envisagée par le pape François sur le rôle de « diaconesses » dans l’Eglise des premiers siècles.