Home » Non classé (Page 4)
Category Archives: Non classé
Mrg Jean-Paul Vesco
Apporte sa contribution aux questions proposées à la réflexion de toute l’Eglise-Peuple de Dieu par le pape François, en vue de préparer la seconde partie du synode sur la famille ( ou plutôt les familles ).
Voici un entretien avec un journaliste du journal » La Croix »
à l’occasion de la sortie de son livre
» Tout amour véritable est indissoluble »
Attention, une brebis peut en cacher une autre
Lorsqu’on évoque la pastorale des périphéries, on aime à citer, et à juste titre, la parabole du bon pasteur qui laisse les 99 brebis de son troupeau pour aller chercher la brebis perdue.
Mais comme souvent, on a une forte tendance à lire cette page d’Evangile dans une perspective un peu moralisatrice : ne dit-on pas alors que le berger ramène la brebis dans le droit chemin, qu’il lui fait réintégrer le giron de l’Eglise…le terme même de brebis perdue évoque à certains la femme perdue, ou le fils prodigue, celle ou celui qui s’est mis volontairement en rupture avec le troupeau.
Cette brebis de l’Evangile avait-elle volontairement fuguée comme la chèvre de Monsieur Seguin éprise de liberté, avait-elle perdu son chemin en ramassant un bouquet de fleurs pour sa maman comme Boucle d’or dans la forêt, ou était-elle seulement un peu fatiguée et s’était-elle fait distancée par le troupeau qui ne l’avait pas attendu ?…..l’Evangile ne le dit pas car peu importe puisque c’est l’occasion pour le Berger de nous montrer que son amour ne prend pas en compte ce genre de question . Il aime et sauve sans mesure.
D’ailleurs est-il bien légitime d’appliquer l’image de la brebis perdue, aux chrétiens divorcés-remariés. Comme me le faisait remarquer quelques amis dans cette situation, ces chrétiens connaissent très bien le chemin de la bergerie, ils appartiennent à une paroisse, participent aux assemblées dominicales, sont parfois investis dans des services paroissiaux ou dans des mouvements, ils élèvent même chrétiennement leurs enfants…De l’enclos où paissent et se repaissent les 99 brebis qui y demeurent, ils connaissent donc très bien le chemin, ils sont d’ailleurs tout près, juste derrière la clôture électrique . Ils ont fait plusieurs fois le tour de l’enclos, mais ils n’ont pas trouvé la moindre porte.
Alors, ils essayent de manifester leur présence, de dire leur souhait de renter et de pouvoir à nouveau demeurer au milieu du troupeau et de son berger. Le bon Pasteur ne les entend pas car certaines brebis essayent de couvrir leur voix ou de les faire taire, comme les passants dans la parabole de l’aveugle du bord du chemin. Mais lui crie de plus belle !
Alors ils attendent….
ils espèrent la voix qui leur dira
« Que veux-tu que je fasse pour toi »….
Qui osera la leur dire ?
On a trop parlé des divorcés-remariés ?
Je suis tout à fait d’accord sur ce point : cette question de l’accès au sacrement pour les personnes divorcés-remariés monopolise les débats des petits groupes qui se forment pour aborder les questions du synode ou d’autres sujets, alors que c’est le problème d’une minorité et essentiellement une question des pays occidentaux, et qu’il y a bien d’autres questions beaucoup plus importantes comme celles liées à la vie dans ses commencements et dans ses fin, comme celles liées à la survie de notre monde et la recherche d’une distribution plus équitable des richesses ou d’une économie qui ne soit plus basée sur la spéculation .
Rapport final du synode
En attendant la traduction officielle de nos évêques, voici une traduction non officielle http://reseau-crescendo.org/
Rapport final du Synode extraordinaire des évêques sur la famille
18 octobre 2014,
Relatio Synodi de la IIIe Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques
NB : Les nombres à la fin de chaque paragraphe correspondent au résultat du vote des pères synodaux ¦oui-non¦. Les abstentions n’ont pas été précisées. Total des personnes présentes : 183.
Introduction
- Le Synode des évêques réuni autour du pape dirige ses pensées vers les familles du monde entier, avec leurs joies, leurs difficultés, leurs espérances. En particulier, ils ressentent le devoir de remercier le Seigneur pour la généreuse fidélité avec laquelle tant de familles chrétiennes répondent à leur vocation et à leur mission. Elles le font avec joie et avec foi, même lorsque le chemin qui leur est familier est semé d’embûches, d’incompréhensions et de souffrances. À ces familles s’adressent l’estime, les remerciements et les encouragements de toute l’Église et de ce Synode. Lors de la veillée de prière célébrée sur la Place Saint-Pierre, samedi 4 octobre 2014, en préparation au Synode sur la famille, le pape François a évoqué de manière simple et concrète la centralité de l’expérience familiale dans la vie de tous : « Le soir tombe maintenant sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, dans cette atmosphère profonde que génèrent les liens d’affection, le sentiment du bien accompli et reçu, les rencontres qui réchauffent le cœur et le bonifient, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans fin. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer des rêves et des projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons vient à manquer le vin de la joie et donc la saveur – la sagesse même – de la vie […] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ». ¦175-1¦
- Lieu intime de joies et d’épreuves, d’affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d’humanité » (cf. Gaudium et spes, 52), dont le besoin se fait fortement ressentir. Malgré les nombreux signaux annonceurs de la crise que connaît l’institution familiale dans les différents contextes du « village mondial », le désir de famille demeure vif, en particulier parmi les jeunes, et encourage l’Église, experte en humanité et fidèle à sa mission, à annoncer sans relâche et avec une profonde conviction l’« Évangile de la famille » qui lui a été confié à travers la révélation de l’amour de Dieu en Jésus-Christ et a été continuellement enseigné par les Pères, par les Maîtres de la spiritualité et par le Magistère de l’Église. La famille revêt pour l’Église une importance toute particulière et au moment où tous les croyants sont invités « à sortir d’eux-mêmes », il est nécessaire que la famille se redécouvre comme sujet indispensable de l’évangélisation. Nos pensées vont au témoignage missionnaire de ces nombreuses familles. ¦179-0¦
SYNODE à mi-parcours
« Le soir descend désormais sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, entouré par la présence des liens d’affection, du bien accompli et reçu, des rencontres qui réchauffent le cœur et le font croître, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans crépuscule. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer de rêves et de projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons est venu à manquer le vin de la joie et donc la saveur — la sagesse même — de la vie […] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ». Ainsi le pape François s’exprimait lors de la veillé de prière le 4 octobre dernier lorsque paraissait le document du cardinal Erdö faisant un rapport sur les questions synodales à mi-parcours du synode.
Voici un traduction ( non officielle ) de ce long document Relatio post disceptationem
PLAN
Introduction
I Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
L’importance de la vie affective
Les défis pastoraux
II Partie
Le regard sur le Christ: l’Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l’histoire du salut
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées
et dans les situations irrégulières
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
Accompagner les premières années de vie conjugale
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés,
divorcés remariés)
Accueillir les personnes homosexuelles
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation
Conclusion
* * *
Introduction
1. Lors de la veillée de prière célébrée sur la Place Saint-Pierre, samedi 4 octobre 2014, en préparation au Synode sur la famille, le Pape François a évoqué de manière simple et concrète la centralité de l’expérience familiale dans la vie de tous, en s’exprimant ainsi: « Le soir descend désormais sur notre assemblée. C’est l’heure où l’on rentre volontiers chez soi pour se retrouver à la même table, entouré par la présence des liens d’affection, du bien accompli et reçu, des rencontres qui réchauffent le cœur et le font croître, comme un bon vin qui anticipe au cours de l’existence de l’homme la fête sans crépuscule. C’est aussi l’heure la plus douloureuse pour celui qui se retrouve en tête à tête avec sa propre solitude, dans le crépuscule amer de rêves et de projets brisés : combien de personnes traînent-elles leurs journées sur la voie sans issue de la résignation, de l’abandon, voire de la rancœur ; dans combien de maisons est venu à manquer le vin de la joie et donc la saveur — la sagesse même — de la vie […] Ce soir, nous nous faisons la voix des uns et des autres à travers notre prière, une prière pour tous ».
2. Lieu intime de joies et d’épreuves, d’affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d’humanité » (« Familia schola quaedam uberioris humanitatis est »: Concile Vatican II, Constitution sur l’Église dans le monde contemporain Gaudium et Spes, n°52), dont le besoin est fortement perçu. Malgré les nombreux signaux de crise de l’institution familiale dans les différents contextes du « village global », le désir de famille demeure vif, en particulier parmi les jeunes et motive le besoin que l’Église annonce sans relâche et au travers d’un partage profond cet « Évangile de la famille » qui lui a été confié au travers de la révélation de Dieu en Jésus Christ.
3. Sur la réalité de la famille, décisive et précieuse, l’Évêque de Rome a appelé à réfléchir le Synode des Évêques en son Assemblée générale extraordinaire d’octobre 2014, pour approfondir ensuite la réflexion lors de l’Assemblée générale ordinaire qui se tiendra en octobre 2015, tout comme au cours de l’ensemble de l’année qui s’écoulera entre les deux événements synodaux. « Le fait de convenire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un événement de grâce, dans lequel la collégialité épiscopale se manifeste sur un chemin de discernement spirituel et pastoral » : c’est ainsi que le Pape François a décrit l’expérience synodale, en indiquant les devoirs liés à la double écoute des signes de Dieu et de l’histoire des hommes et à la fidélité, double et unique, qui en découle.
4. À la lumière de ce même discours, nous avons recueilli les résultats de nos réflexions et de nos dialogues au sein des trois parties suivantes : L’écoute, pour regarder la réalité de la famille aujourd’hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard fixé sur le Christ pour repenser, avec fraîcheur renouvelée et enthousiasme ce que la révélation transmise dans la foi de l’Église, nous dit sur la beauté et la dignité de la famille ; la confrontation à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles renouveler l’Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille.
Première Partie
L’écoute: le contexte et les défis concernant la famille
Le contexte socioculturel
5. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd’hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée, capable de percevoir les formes positives de la liberté individuelle. Il faut également prendre en compte le danger croissant représenté par un individualisme exacerbé qui dénature les liens familiaux et finit par considérer chaque composant de la famille comme une île, faisant prévaloir, dans certains cas, l’idée d’un sujet qui se construit selon ses propres désirs considérés comme un absolu.
6. La plus grande épreuve pour les familles de notre temps est souvent la solitude, qui détruit et provoque une sensation générale d’impuissance vis-à-vis de la réalité socio-économique qui, souvent, finit par les écraser. Il en est ainsi de la croissante précarité du travail, qui est parfois vécue comme un véritable cauchemar, ou d’une fiscalité trop lourde qui n’encourage certainement pas les jeunes à se marier.
7. Il existe des contextes culturels et religieux qui lancent des défis particuliers. Dans les sociétés africaines, existe encore la pratique de la polygamie et, dans certains contextes traditionnels, la coutume du « mariage par étapes ». Dans d’autres contextes, se maintient la pratique des mariages combinés. Dans les pays où la religion catholique est minoritaire, nombreux sont les mariages mixtes, avec toutes les difficultés qu’ils comportent en ce qui concerne la configuration juridique, l’éducation des enfants et le respect réciproque du point de vue de la liberté religieuse mais aussi avec les grandes potentialités de rencontre dans la diversité de la foi que ces histoires de vie familiale présentent. Dans de nombreux contextes, et pas seulement occidentaux, se diffuse actuellement largement la pratique de la cohabitation qui précède le mariage ou encore de cohabitations non orientées à prendre la forme d’un lien institutionnel.
8. Nombreux sont les enfants qui naissent en dehors du mariage, en particulier dans certains pays et nombreux sont ceux qui grandissent ensuite avec un seul de leurs parents ou dans un contexte familial élargi ou reconstitué. Le nombre des divorces est croissant et le cas de choix déterminés seulement par des facteurs d’ordre économique n’est pas rare. La condition de la femme a encore besoin d’être défendue et promue parce que de nombreuses situations de violence s’enregistrent à l’intérieur des familles. Les enfants font souvent l’objet de luttes entre leurs parents et ils constituent les véritables victimes des lacérations familiales. Les sociétés traversées par la violence à cause de la guerre, du terrorisme ou de la présence de la criminalité organisée connaissent également des situations familiales détériorées. Les migrations représentent en outre un autre signe des temps qu’il faut affronter et comprendre avec toute sa charge de conséquences sur la vie familiale.
L’importance de la vie affective
9. Face à ce cadre social, on rencontre chez les individus un plus grand besoin de prendre soin de leur propre personne, de se connaître intérieurement, de vivre mieux en syntonie avec leurs émotions et leurs sentiments, de chercher une relation de qualité dans la vie affective. De même, on peut rencontrer un désir diffus de famille, qui s’accompagne de la recherche de soi-même. Mais comment cultiver et soutenir cette tension au soin de soi-même et ce désir de famille ? Il y a là un grand défi également pour l’Église. Le danger de l’individualisme et le risque de vivre de manière égoïste sont importants.
10. Le monde actuel semble valoriser une affectivité sans limite, dont tous les versants doivent être explorés, même les plus complexes. De fait, la question de la fragilité affective est de grande actualité : une affectivité narcissique, instable et changeante qui n’aide pas toujours les sujets à atteindre une plus grande maturité. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver des manières pour grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle. La crise du couple déstabilise la famille et peut arriver, au travers des séparations et des divorces, à produire des conséquences sérieuses sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l’individu et les liens sociaux. Le déclin de la population ne détermine pas seulement une situation dans laquelle le remplacement des générations n’est plus assuré mais risque de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d’espérance dans l’avenir.
Les défis pastoraux
11. Dans ce contexte, l’Église perçoit le besoin de dire une parole d’espérance et de sens. Il faut partir de la conviction que l’homme vient de Dieu et que, donc, une réflexion capable de proposer à nouveau les grandes questions sur la signification d’être hommes peut trouver un terrain fertile dans les attente les plus profondes e l’humanité. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chrétienne correspondent à la recherche qui traverse l’existence humaine, y compris à une époque marquée par l’individualisme et par l’hédonisme. Il faut accueillir les personnes avec leur existence concrète, savoir soutenir leur recherche, encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l’Église même de ceux qui ont fait l’expérience de l’échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates. Ceci exige que la doctrine de la foi, que l’on doit faire connaître toujours davantage dans ses contenus fondamentaux, soit proposée avec la miséricorde.
II Partie
Le regard sur le Christ: l’Évangile de la famille
Le regard sur Jésus et la gradualité dans l’histoire du salut
12. Afin de « contrôler notre allure sur le terrain des défis contemporains, la condition décisive est de garder le regard fixé sur Jésus Christ, de s’arrêter dans la contemplation et dans l’adoration de sa face […]. En effet, chaque fois que nous revenons à la source de l’expérience chrétienne, de nouvelles routes et des possibilités impensables s’ouvrent. (Pape François, Discours du 4 octobre 2014). Jésus a regardé les femmes et les hommes qu’Il a rencontré avec amour et tendresse, accompagnant leurs pas avec patience et miséricorde dans l’annonce des exigences du Royaume de Dieu.
13. Du moment que l’ordre de la Création est déterminé par l’orientation au Christ, il faut distinguer sans les séparer les différents degrés au travers desquels Dieu communique à l’humanité la grâce de l’alliance. En raison de la loi de la gradualité (cf. Familiaris Consortio, 34), propre à la pédagogie divine, il s’agit de lire en termes de continuité et de nouveauté l’alliance nuptiale, dans l’ordre de la Création et dans celui de la Rédemption.
14. Jésus Lui-même, en se référant au dessein premier sur le couple humain, réaffirme l’union indissoluble entre l’homme et la femme, tout en comprenant que « en raison de votre dureté de cœur (que) Moise vous a permis de répudier vos femmes ;mais dès l’origine, il n’en fut pas ainsi » (Mt 19,8). De cette manière, Il montre combien la condescendance divine accompagne toujours le chemin de l’homme, l’orientant vers son principe, non sans passer par la croix.
La famille dans le dessein salvifique de Dieu
15. Puisque, par l’engagement de l’accueil réciproque et par la grâce du Christ, les fiancés se promettent fidélité et ouverture à la vie, ils reconnaissent comme éléments constitutifs du mariage les dons que Dieu leur offre, prenant sérieusement leur mutuel engagement en son nom et face à l’Église. Or, dans la foi, il est possible de prendre les biens du mariage comme des engagements plus soutenables au travers de l’aide de la grâce du sacrement. Dieu consacre l’amour des époux et en confirme l’indissolubilité, en leur offrant l’aide pour vivre la fidélité et pour s’ouvrir à la vie. Le regard de l’Église ne se tourne donc pas seulement vers le couple mais vers la famille.
16. Nous pouvons distinguer trois étapes fondamentales dans le dessein divin concernant la famille : la famille des origines, lorsque Dieu créateur institua le mariage primordial entre Adam et Éve, comme fondement solide de la famille : homme et femme Il les créa (cf. Gn 1, 24-31 ; 2, 4b) ; la famille historique blessée par le péché (cf. Gn 3) et la famille rachetée par le Christ (cf. Ep 5, 21-32), à l’image de la Sainte Trinité, mystère dont découle tout amour véritable. L’alliance conjugale, inaugurée avec la Création et révélée dans l’histoire entre Dieu et Israël, arrive à sa plénitude avec le Christ dans l’Église.
Le discernement des valeurs présentes dans les familles blessées et dans les situations irrégulières
17. Vu le principe de gradualité du plan salvifique divin, on se demande quelles possibilités sont données aux époux qui vivent l’échec de leur mariage ou comment il est possible de leur offrir l’aide du Christ au travers du ministère de l’Église. À ce propos, une clef herméneutique significative provient de l’enseignement du Concile Vatican II, qui, s’il affirme que « l’unique Église du Christ subsiste dans l’Église catholique », reconnaît également que « bien (que) des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique » (Lumen Gentium, 8).
18. Dans cette perspective, doivent tout d’abord être réaffirmées la valeur et la consistance propre du mariage naturel. Certains se demandent s’il est possible que la plénitude sacramentelle du mariage n’exclut pas la possibilité de reconnaître des éléments positifs également dans les formes imparfaites qui se trouvent en dehors de cette réalité nuptiale mais dans tous les cas ordonnées à celle-ci. La doctrine des degrés de communion, formulée par le Concile Vatican II, confirme la vision d’une manière articulée de participer au Mysterium Ecclesiae de la part des baptisés.
19. Dans cette même perspective, que nous pourrons qualifier d’inclusive, le Concile ouvre également l’horizon dans lequel s’apprécient les éléments positifs présents dans les autres religions (cf. Nostra Aetate, 2) et cultures, malgré leurs limites et leurs insuffisances (cf. Redemptoris Missio, 55). Du regard tourné vers la sagesse humaine présente en eux, en effet, l’Église apprend comment la famille est considérée universellement comme forme nécessaire et féconde de coexistence humaine. Dans ce sens, l’ordre de la Création, dans lequel la vision chrétienne de la famille est enracinée, se déploie au niveau historique dans les différentes expressions culturelles et géographiques.
20. Un discernement spirituel étant donc nécessaire en ce qui concerne les cohabitations et les mariages civils ainsi que pour ce qui est des divorcés « remariés », il appartient à l’Église de reconnaître ces semina Verbi répandus hors des frontières visibles et sacramentelles. En suivant le vaste regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1, 9 ; cf. Gaudium et Spes, 22), l’Église se tourne avec respect vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète et imparfaite, appréciant plus les valeurs positives qu’ils conservent que leurs limites et leurs manquements.
Vérité et beauté de la famille et miséricorde
21. L’Évangile de la famille, alors qu’il resplendit grâce au témoignage de nombreuses familles qui vivent avec cohérence la fidélité au sacrement, produisant les fruits murs de la sainteté quotidienne authentique, nourrit également ces semina Verbi qui attendent encore de mûrir et doit soigner les arbres qui sont devenus secs et demandent à ne pas être négligés.
22. Dans ce sens, une nouvelle dimension de la pastorale familiale actuelle, consiste dans la prise en compte de la réalité des mariages civils et également, en faisant les différences nécessaires, des cohabitations. En effet, lorsque l’union atteint une stabilité notable au travers d’un lien public, est marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves, elle peut être considérée comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage. Très souvent, en revanche, la cohabitation ne s’établit pas en vue d’un futur mariage possible mais sans aucune intention d’établir un rapport institutionnel.
23. Conforme au regard miséricordieux de Jésus, l’Église doit accompagner avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, marqués par un amour blessé et perdu, redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d’un port ou d’une torche placée au milieu d’un groupe de personnes peut illuminer ceux qui ont perdu la route ou se trouvent au milieu de la tempête.
III Partie
La discussion: les perspectives pastorales
Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes
24. Le dialogue synodal a permis de s’accorder sur les instances pastorales les plus urgentes à confier à la concrétisation des Églises locales, dans la communion cum Petro et sub Petro.
25. L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation. L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la condamner, mais pour la guérir.
26. Évangéliser est une responsabilité partagée par le peuple de Dieu tout entier, chacun selon son propre ministère et charisme. Sans le témoignage joyeux des époux et des familles, l’annonce, même si elle est correcte, risque de ne pas être comprise et de se noyer dans le flot de paroles qui caractérise notre société (cf. Novo millennio ineunte, 50). Les Pères synodaux ont à plusieurs reprises souligné que les familles catholiques sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale.
27. Il est fondamental de mettre en exergue le primat de la grâce, et par conséquent, les possibilités que l’Esprit offre par le sacrement. Il s’agit de faire comprendre par l’expérience que l’Évangile de la famille est une joie qui «remplit le cœur et toute la vie», parce que dans le Christ nous sommes «libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement» (Evangelii gaudium, 1). À la lumière de la parabole du semeur (cf. Mt 13, 3), notre tâche consiste à coopérer aux semailles: le reste est l’œuvre de Dieu. Il ne faut pas oublier que l’Église qui prêche sur la famille est un signe de contradiction.
28. C’est pourquoi une conversion missionnaire est requise : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes. Il ne faut jamais oublier que la crise de la foi a comporté une crise du mariage et de la famille et, par conséquent, la transmission de la foi des parents aux enfants a été souvent interrompue. L’imposition de certaines perspectives culturelles qui affaiblissent la famille et le mariage n’ont pas d’incidence sur une foi solide.
29. La conversion doit être avant tout une conversion du langage pour qu’il soit effectivement significatif. L’annonce doit faire connaître par l’expérience que l’Évangile de la famille est la réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine: à sa dignité et à la pleine réalisation dans la réciprocité et dans la communion. Il ne s’agit pas seulement de présenter des règles, mais aussi de proposer des valeurs, en répondant ainsi à un besoin que l’on constate aujourd’hui dans les pays les plus sécularisés.
30. L’approfondissement biblico-théologique indispensable doit être accompagné par le dialogue, à tous les niveaux. Beaucoup ont insisté sur une approche plus positive des richesses contenues dans les différentes expériences religieuses, sans passer sous silence les difficultés. Dans les différents contextes culturels, il faut tout d’abord saisir les possibilités, puis, à la lumière de celles-ci, repousser les limites et les radicalisations.
31. Le mariage chrétien ne peut pas être considéré uniquement comme une tradition culturelle ou une exigence sociale, il faut que ce soit une décision vocationnelle assumée après une préparation adéquate et un discernement mûr, dans un parcour de foi. Il ne s’agit pas de poser des difficultés ou de compliquer les cycles de formation, mais d’aller en profondeur et ne pas se contenter de rencontres théoriques ou d’orientations générales.
32. D’un commun accord, il a été rappelé que, dans la perspective familiale, une conversion de la pratique pastorale dans son ensemble est nécessaire pour dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore. C’est pourquoi on a insisté à plusieurs reprises sur le renouvellement de la formation des prêtres et des autres agents pastoraux, avec une implication plus grande des familles.
33. De même, a été souligné le besoin d’une évangélisation qui dénonce avec franchise les facteurs culturels, sociaux et économiques, par exemple la place excessive donnée à la logique du marché, qui empêchent une vie familiale authentique, entraînant la discrimination, la pauvreté, l’exclusion, la violence. C’est pourquoi il faut développer un dialogue et une coopération avec les structures sociales, et encourager et soutenir les laïcs qui s’engagent dans les domaines culturel et sociopolitique.
Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage
34. La réalité sociale complexe et les défis que la famille est appelée à affronter aujourd’hui demandent un engagement plus grand de la communauté chrétienne pour la préparation des futurs époux au mariage. En ce qui concerne ce besoin, les Pères synodaux ont insisté d’un commun accord sur l’exigence d’une implication plus grande de la communauté tout entière, en privilégiant le témoignage des familles, ainsi que l’enracinement de la préparation au mariage dans le chemin d’initiation chrétienne, en soulignant le lien du mariage avec les autres sacrements. On a également mis en évidence le besoin de programmes spécifiques de préparation proche au mariage qui soient une véritable expérience de participation à la vie ecclésiale et qui approfondissent les différents aspects de la vie familiale.
Accompagner les premières années de la vie conjugale
35. Les premières années de mariage représentent une période vitale et délicate au cours de laquelle le couple devient plus conscient des défis et du sens du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui dépasse la célébration du sacrement. Dans cette pastorale, la présence de couples ayant de l’expérience s’avère de la plus haute importance. La paroisse est considérée comme le lieu idéal où les couples experts peuvent être à la disposition de ceux plus jeunes. Les couples doivent être encouragés à assumer une attitude fondamentale d’accueil du grand don que représentent les enfants. Il faut souligner l’importance de la spiritualité familiale et de la prière, en encourageant les couples à se réunir régulièrement pour promouvoir la croissance de la vie spirituelle et la solidarité dans les exigences concrètes de la vie. Les liturgies significatives, les pratiques dévotionnelles et les Eucharisties célébrées pour les familles ont été mentionnées comme étant vitales pour favoriser l’évangélisation à travers la famille.
Les aspects positifs dans les unions civiles et les concubinages
36. Une nouvelle sensibilité de la pastorale d’aujourd’hui consiste à comprendre la réalité positive des mariages civils et, compte tenu des différences, des concubinages. Il faut que dans la proposition ecclésiale, tout en présentant clairement l’idéal, nous indiquions aussi les éléments constructifs de ces situations qui ne correspondent plus ou pas encore à cet idéal.
37. On relève également, dans de nombreux pays, un “nombre croissant de couples qui vivent ensemble ad experimentum, sans aucun mariage, ni canonique ni civil” (Instrumentum Laboris, 81). En Afrique, cela se produit surtout dans le mariage traditionnel, contracté entre familles et souvent célébré par étapes. Face à ces situations, l’Église est appelée à être “toujours la maison ouverte du Père […] où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile” (Evangelii gaudium, 47) et à aller en aide à celui qui éprouve le besoin de reprendre son chemin de foi, même s’il n’est pas possible de célébrer un mariage canonique.
38. En Occident, le nombre de ceux qui, après avoir longtemps vécu ensemble, demandent de célébrer le mariage à l’église est aussi en croissance constante. Le simple concubinage est souvent choisi à cause de la mentalité générale, s’opposant aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi dans l’attente d’une sécurité existentielle (un emploi et un salaire fixes). Dans d’autres pays, les unions de fait sont très nombreuses, non pas par rejet des valeurs chrétiennes relatives à la famille et au mariage, mais surtout du fait que se marier est un luxe ; ainsi la misère matérielle pousse à vivre dans une union de fait. Dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs.
39. Toutes ces situations doivent être affrontées de manière constructive, en essayant de les transformer en opportunité de cheminer vers la plénitude du mariage et de la famille, à la lumière de l’Évangile. Il s’agit de les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse. À cet effet, le témoignage attrayant de familles chrétiennes authentiques, comme sujets de l’évangélisation de la famille, est important.
Soigner les familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés)
40. Au cours du Synode, le besoin de choix pastoraux courageux a été clairement ressenti. Confirmant avec force la fidélité à l’Évangile, les Pères synodaux ont perçu l’urgence de chemins pastoraux nouveaux, qui partent de la réalité effective des fragilités familiales, en reconnaissant que, le plus souvent, celles-ci sont “subies” plus que choisies en toute liberté. Il s’agit de situations différentes dues à des facteurs personnels comme culturels et socioéconomiques. Envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” n’est pas signe de sagesse. Le dialogue et la confrontation vécus au Synode devront se poursuivre dans les Églises locales, avec la participation des différentes composantes, de manière à ce que les perspectives qui se profilent puissent être menées à leur plein mûrissement par le travail de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire. L’Esprit qui nous guide, et qui est constamment invoqué, permettra au peuple de Dieu de vivre la fidélité à l’Évangile de la famille comme une prise en charge miséricordieuse de toutes les situations de fragilité.
41. Toute famille blessée doit tout d’abord être écoutée avec respect et amour, en devenant son compagnon de route, comme le Christ avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs. Pour ces situations, les paroles du Pape François sont particulièrement pertinentes: «L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5). Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne» (Evangelii gaudium, 169).
42. Un tel discernement est indispensable pour les personnes séparées ou divorcées. Il faut notamment respecter la souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation ou le divorce. Pardonner l’injustice subie n’est pas facile, mais c’est un chemin que la grâce rend possible. De même, il faut toujours souligner qu’il est indispensable de prendre en charge, de manière loyale et constructive, les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants: ils ne peuvent pas devenir un “objet” de dispute, et il faut chercher les meilleurs moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus possible dans la sérénité.
43. Plusieurs Pères ont souligné le besoin de rendre les procédures de reconnaissance des cas de nullité du mariage plus accessibles et allégées. Il a été notamment proposé de pouvoir se passer de l’obligation de la double sentence conforme; ouvrir une voie administrative sous la responsabilité de l’évêque diocésain; entamer un procès sommaire dans les cas de nullité notoire. Selon des propositions éminentes, il faudrait envisager la possibilité de considérer l’importance de la foi des futurs époux pour la validité du sacrement du mariage. Dans tous ces cas, il faut bien souligner qu’il s’agit d’établir la vérité sur la validité du lien.
44. Quant aux procès matrimoniaux, outre la préparation d’un nombre suffisant d’agents, clercs et laïcs, qui s’y consacrent prioritairement, la simplification de la procédure, demandée par un grand nombre, exige que l’on augmente la responsabilité de l’évêque diocésain, qui pourrait, dans son diocèse, charger un prêtre, préparé en bonne et due forme, de conseiller gratuitement les parties sur la validité de leur mariage.
45. Les personnes divorcées non remariées doivent être invitées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutient dans leur état. La communauté locale et les pasteurs doivent accompagner ces personnes avec sollicitude, surtout si elles ont des enfants ou vivent dans une situation de pauvreté grave.
46. Les situations des personnes divorcées remariées exigent aussi un discernement attentif et un accompagnement empreint de respect, évitant tout langage ou attitude qui les feraient sentir discriminées. Prendre soin de ces personnes ne représente pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage de l’indissolubilité du mariage, au contraire, c’est par ces soins qu’elle exprime sa charité.
47. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, certains ont argumenté en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement théologique, d’autres se sont exprimés en faveur d’une plus grande ouverture à des conditions bien précises, quand il s’agit de situations qui ne peuvent pas être dissoutes sans entraîner de nouvelles injustices et souffrances. Pour certains, il faudrait que l’éventuel accès aux sacrements soit précédé d’un chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants. Il s’agirait d’une situation non généralisée, fruit d’un discernement réalisé au cas pas cas, suivant une règle de gradualité, qui tienne compte de la distinction entre état de péché, état de grâce et circonstances atténuantes.
48. Suggérer de se limiter uniquement à la “communion spirituelle” pour un nombre non négligeable de Pères synodaux pose des questions: si la communion spirituelle est possible, pourquoi ne pas pouvoir accéder à celle sacramentelle? Un approfondissement théologique a été donc sollicité à partir des liens entre sacrement du mariage et Eucharistie par rapport à l’Église-sacrement. Il faut également approfondir la dimension morale de cette problématique, en écoutant et en éclairant la conscience des époux.
49. Les questions relatives aux mariages mixtes ont été souvent citées dans les interventions des Pères synodaux. La diversité de la discipline relative au mariage dans les Églises orthodoxes pose, dans certains contextes, des problèmes graves auxquels il faut donner des réponses adéquates en communion avec le Pape, ce qui est valable aussi pour les mariages interreligieux.
Accueillir les personnes homosexuelles
50. Les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne: sommes-nous en mesure d’accueillir ces personnes en leur garantissant un espace de fraternité dans nos communautés? Souvent elles souhaitent rencontrer une Église qui soit une maison accueillante. Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage?
51. La question homosexuelle nous appelle à une réflexion sérieuse sur comment élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle: elle se présente donc comme un défi éducatif important. L’Église affirme, par ailleurs, que les unions entre des personnes du même sexe ne peuvent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme. Il n’est même pas acceptable que l’on veuille exercer des pressions sur l’attitude des pasteurs, ou que des organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender.
52. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Église prête une attention spéciales aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang.
La transmission de la vie et le défi de la dénatalité
53. Il n’est pas difficile de constater la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement de la vie à une variable des projets individuels ou de couple. Les facteurs d’ordre économique exercent un poids parfois déterminant contribuant à la baisse importante de la natalité qui affaiblit le tissu social, compromet les relations entre les générations et rend plus incertain le regard vers l’avenir. L’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal.
54. Sans doute faut-il, dans ce domaine aussi, un langage réaliste, qui se base sur l’écoute des personnes et qui sache expliquer que la beauté et la vérité d’une ouverture sans réserve à la vie est ce dont l’amour humain a besoin pour être vécu en plénitude. C’est sur cette base que peut reposer un enseignement sur les méthodes naturelles, permettant aux époux de vivre leur communication de manière harmonieuse et consciente, dans toutes ses dimensions, avec la responsabilité d’engendrer. Dans cette optique, il faut redécouvrir le message de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI, qui souligne le besoin de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de contrôle des naissances.
55. Aussi faut-il aider à vivre l’affectivité, même dans le lien conjugal, comme un chemin de maturation, dans un accueil de plus en plus profond de l’autre et en se donnant de manière de plus en plus pleine. En ce sens, il faut insister sur le besoin d’offrir des chemins de formation qui alimentent la vie conjugale, et sur l’importance d’un laïcat qui offre un accompagnement fait de témoignage vivant. L’exemple d’un amour fidèle et profond, fait de tendresse, de respect, capable de croître dans le temps et qui vit, par son ouverture concrète à l’engendrement de la vie, l’expérience d’un mystère qui nous transcende, est sans aucun doute une grande aide.
Le défi de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation
56. Le défi fondamental face auquel se trouvent les familles aujourd’hui est certainement le défi éducatif, rendu plus difficile et complexe par la réalité culturelle d’aujourd’hui. Il faut bien tenir compte des exigences et des attentes de familles capables d’offrir un témoignage dans la vie quotidienne, lieux de croissance, de transmission concrète et essentielle des vertus qui forgent l’existence.
57. L’Église peut jouer ce rôle précieux de soutien aux familles, à partir de l’initiation chrétienne, à travers des communautés accueillantes. Aujourd’hui encore plus qu’hier, dans des situations complexes comme dans les situations ordinaires, il lui est demandé de soutenir les parents dans leur tâche éducative, en accompagnant les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur croissance, par des parcours personnalisés, pouvant les introduire au sens plein de la vie, et susciter des choix et des responsabilités, vécus à la lumière de l’Évangile.
Conclusion
58. Les réflexions proposées, fruit du dialogue synodal qui s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque, entendent poser des questions et indiquer des perspectives que les Églises locales devront faire mûrir et préciser, par leur réflexion, durant l’année qui nous sépare de l’Assemblée Générale Ordinaire du Synode des évêques, prévue en octobre 2015. Il ne s’agit pas de décisions prises, ni de perspectives faciles. Cependant, le chemin collégial des évêques et la participation du peuple de Dieu tout entier, sous l’action du Saint-Esprit, pourront nous guider vers des voies de vérité et de miséricorde pour tous. Tel est le souhait que le Pape François a exprimé dès le début de nos travaux, en nous invitant au courage de la foi et à l’accueil humble et honnête de la vérité dans la charité.
[03037-01.01] [Testo originale: Italiano] [Traduction non officielle]
[B0751-XX.03]
L’Evêque d’Anvers, Monseigneur Bonny prépare son diocèse pour le synode
ANVERS, BELGIQUE
Synode sur la famille : attentes d’un évêque diocésain
1er septembre 2014, réflexion de Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers (Belgique), sur l’éthique familiale et sexuelle dans l’Église catholique
Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers (Belgique), a rendu public le 1er septembre 2014 un texte de vingt-quatre pages sur les questions touchant le mariage et la famille. Cette réflexion, ancrée dans son ministère pastoral, est située par son auteur dans la perspective immédiate de l’Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques sur la famille (5-19 octobre 2014) ; elle a été diffusée en cinq langues. Mgr Bonny y exprime « les avis et attentes de la portion du Peuple de Dieu qui lui est confiée » et formule des attentes personnelles, en tant qu’évêque d’Europe occidentale. Il donne un « fil rouge » à sa note : « L’Église comme maison et école de la communion. » Reprenant la genèse de l’encyclique Humanae vitae, Mgr Bonny souhaite voir restauré le lien entre collégialité et primauté de l’évêque de Rome. Après des réflexions sur la conscience, le rapport entre doctrine et pastorale, la loi naturelle, le sensus fidei, la complémentarité des modèles de théologie morale, l’évêque d’Anvers, dans un paragraphe intitulé « L’Église compagnon de route », illustre sa réflexion en la rapportant à des situations dont son ministère le rend témoin. Concernant les divorcés remariés, il s’interroge notamment sur le rapport entre « l’indissolubilité du mariage entre un homme et une femme et l’indissolubilité du lien entre le Christ et son Église ». Mgr Bonny aborde également la question de l’évangélisation dans son lien avec la pastorale familiale. Il souhaite enfin que la prochaine Assemblée du Synode, plutôt que de « déposer hâtivement des conclusions pratiques », amorce un processus différencié de consultation incluant évêques et théologiens mais aussi familles et hommes ou femmes politiques.
Texte original néerlandais (*)
9/9/14 – 15 H 48
En guise de préparation au Synode sur la famille
Allemagne : les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation
France : les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation
Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation
Tradition chrétienne et évolution de la famille
Du 5 au 19 octobre 2014 se réunit à Rome un Synode des évêques sur le thème des « Défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation ». En préparation à ce Synode, le Vatican a envoyé un questionnaire aux évêques et aux personnes intéressées. Malgré le délai très court pour réagir, ce questionnaire a reçu un large écho partout dans le monde. Plusieurs initiatives ont été prises dans notre pays. Les évêques belges ont diffusé le questionnaire dans tous les diocèses francophones et flamands et ils ont reçu en tout 1589 réponses, émanant de personnes, de groupes ou de services. Un groupe d’experts, parmi lesquels cinq théologiens liés à l’UC Louvain et à la KU Leuven, a étudié toutes ces réponses et en a rédigé un rapport synthétique, qui a été transmis à Rome (1). La faculté de théologie et de sciences religieuses de la KUL a organisé une enquête sur le vécu de la foi et de la famille en Flandre ; les résultats de cette enquête ont été présentés lors d’une journée d’étude à Leuven(2). À l’occasion de cette journée d’étude, le Service interdiocésain (néerlandophone) de la pastorale familiale a publié une série d’attentes et de suggestions (3). En outre, nombre de groupes et mouvements, comme l’IPB (le Conseil pastoral interdiocésain flamand) (4) et les conseils pastoraux de divers diocèses, ont organisé des colloques sur le thème du prochain Synode. Les réactions ainsi venues de Belgique concordent d’ailleurs avec celles venues des pays voisins (5). entre-temps, le secrétariat romain du Synode des évêques a publié l’Instrumentum laboris dans lequel sont retravaillées toutes les réponses issues des cinq continents (6).
la parole du pape François doit faire naître nos paroles
Faut-il tout attendre du pape ? Certainement pas. Il a su mettre en œuvre quelques réformes significatives (la banque du Vatican, la constitution d’un conseil de cardinaux de « terrain », la nomination d’un diplomate comme Secrétaire d’État). Mais l’important est que sa parole donne la parole, autrement dit, que d’autres prennent la parole à leur tour, sans se sentir obligés de répéter les mêmes propos, d’imiter les mêmes gestes. Sa parole aura atteint son but quand elle aura fait naître d’autres paroles qui entreront à leur tour en débat. À cet égard, l’enquête menée préalablement au synode pour la famille de l’automne prochain est remarquable. Malgré la difficulté de certaines questions et quelques formules maladroites, un grand nombre de personnes, de groupes, de paroisses, s’en sont emparés et ont saisi l’occasion pour partager des situations vécues parfois douloureusement. La presse catholique s’est fait l’écho de cette « prise de parole ». L’article de Philippe Bacq dans ce numéro est un bon exemple d’une contribution à un débat qui intègre écoute pastorale et réflexion théologique.
Lorsque l’Église apparaît moins comme le conservatoire des valeurs traditionnelles et davantage comme un lieu d’écoute, de dialogue, de propositions, et, pourquoi pas, d’inventivité, sa parole n’en est que plus audible. C’est déjà le cas sur certains dossiers. Il ne reste qu’à souhaiter que leur nombre s’élargisse.
extrait de la revue ÉTUDES, par François Euyé mars 2014 tome 4203
Rome 1 mars 2014
Kasper change le paradigme, Bergoglio applaudit
Le texte, désormais public, du rapport explosif qui a ouvert le consistoire consacré à la famille.
Il indique deux voies pour permettre aux divorcés remariés de communier à nouveau.
En suivant l’exemple de ce qui se faisait dans l’Église de l’antiquité
par Sandro Magister
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350729?fr=y
ROME, le 1er mars 2014 – Le rapport introductif du cardinal Walter Kasper au consistoire de la semaine dernière n’est plus sous clé. C’est le quotidien italien « Il Foglio », dirigé par Giuliano Ferrara, qui l’a rendu public, réalisant ainsi un coup de maître journalistique puisqu’il a largement devancé la publication de ce rapport sous forme de livre par la maison d’édition Queriniana.
Mais l’idée même que ce rapport devait rester secret est devenue un contresens, après les propos dont le pape François l’avait honoré le 21 février, au terme des deux jours du consistoire consacrés à la question de la famille : « Hier, avant de dormir, mais pas pour m’endormir, j’ai lu – ou plutôt relu – le travail du cardinal Kasper et je voudrais le remercier parce que j’y ai trouvé une théologie profonde et aussi une pensée sereine dans cette théologie. Il est agréable de lire de la théologie sereine. Et j’y ai également trouvé ce dont saint Ignace nous parlait, ce ‘sensus Ecclesiæ’, l’amour pour notre Mère l’Église. Cela m’a fait du bien et cela m’a donné une idée – excusez-moi, éminence, si je vous fais rougir – mais l’idée est que cela s’appelle ‘faire de la théologie à genoux’. Merci. Merci ».
Dans son rapport, Kasper a indiqué qu’il voulait « seulement poser des questions » parce que « donner une réponse sera la tâche du synode, en accord avec le pape ». Mais, à lire ce qu’il a dit aux cardinaux, on voit que c’est bien plus que des questions, qu’il s’agit de propositions de solution déjà solidement assemblées et le pape François a déjà montré qu’il voulait y donner son adhésion.
Et ce sont des propositions fortes, un véritable « changement du paradigme ». En particulier à propos de ce que Kasper lui-même considère comme le problème des problèmes, l’accès des divorcés remariés à la communion, auquel il a consacré plus de la moitié de son discours de deux heures.
Comme www.chiesa l’avait déjà indiqué de manière anticipée dans deux articles, la pierre de touche des propositions de Kasper a été l’Église des premiers siècles, elle aussi « confrontée à des conceptions et à des modèles du mariage et de la famille très différents de ceux qu’avait prêchés Jésus ».
Face au défi de l’époque actuelle, Kasper est parti de l’idée que « notre position, aujourd’hui, ne peut pas être une adaptation libérale au ‘statu quo’, mais elle doit être une position radicale qui va jusqu’aux racines, qui va jusqu’à l’Évangile ».
Pour vérifier si c’est vrai ou non – et selon plusieurs cardinaux qui sont intervenus dans le débat, c’est non – voici les passages cruciaux du rapport.
__________
LE PROBLÈME DES DIVORCÉS REMARIÉS
par Walter Kasper
[…] Il n’est pas suffisant d’envisager le problème uniquement au point de vue et dans la perspective de l’Église en tant qu’institution sacramentelle. Nous avons besoin d’un changement du paradigme et nous devons – comme l’a fait le bon Samaritain – considérer également la situation dans la perspective de ceux qui souffrent et demandent de l’aide.
Tout le monde sait que la question des mariages de personnes divorcées et remariées est un problème complexe et épineux. […] Que peut faire l’Église dans de telles situations ? Elle ne peut pas proposer une solution différente ou contraire à ce qu’a dit Jésus. L’indissolubilité d’un mariage sacramentel et l’impossibilité de contracter un nouveau mariage tant que l’autre partenaire est vivant fait partie de la tradition de foi contraignante de l’Église qui ne peut pas être abandonnée ou dissoute en faisant appel à une compréhension superficielle de la miséricorde à bas prix. […] La question est donc de savoir comment l’Église peut correspondre à ce binôme indivisible de fidélité et miséricorde de Dieu dans son action pastorale en ce qui concerne les divorcés qui se sont remariés civilement. […]
Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation semblable à celle du dernier concile. Déjà à ce moment-là, il y avait, par exemple à propos de la question de l’œcuménisme ou de celle de la liberté de religion, des encycliques et des décisions du Saint-Office qui paraissaient exclure d’autres voies. Le concile, sans violer la tradition dogmatique contraignante, a ouvert des portes. On peut se demander s’il n’y a pas également, pour la question dont nous parlons, la possibilité d’un nouveau développement […]
Je me limite à deux situations pour lesquelles des solutions sont déjà esquissées dans certains documents officiels. Je souhaite seulement poser des questions, en me bornant à indiquer l’orientation des réponses possibles. Mais donner une réponse sera la tâche du synode, en accord avec le pape.
PREMIÈRE SITUATION
« Familiaris consortio » affirme que certains divorcés remariés sont, en conscience, subjectivement convaincus que leur précédent mariage, irrémédiablement brisé, n’a jamais été valide. […] Selon le droit canonique, l’évaluation est une tâche qui incombe aux tribunaux ecclésiastiques. Étant donné que ceux-ci ne sont pas « jure divino », mais qu’ils se sont développés au cours de l’histoire, on se demande quelquefois si la voie judiciaire doit être le seul moyen à utiliser pour résoudre le problème ou s’il ne serait pas possible de recourir à d’autres procédures plus pastorales et plus spirituelles.
De manière alternative, on pourrait envisager que l’évêque puisse confier cette tâche à un prêtre possédant une expérience spirituelle et pastorale en tant que pénitencier ou vicaire épiscopal.
Indépendamment de la réponse à donner à cette question, il convient de rappeler le discours adressé par le pape François, le 24 janvier 2014 aux dirigeants du tribunal de la Rote Romaine, dans lequel il a affirmé que la dimension juridique et la dimension pastorale ne sont pas en opposition. […] La pastorale et la miséricorde ne s’opposent pas à la justice mais, pour ainsi dire, elles sont la justice suprême, parce que derrière chaque dossier elles entrevoient non seulement un cas à examiner dans l’optique d’une règle générale, mais un être humain qui, en tant que tel, ne peut jamais représenter un cas et qui a toujours une dignité unique. […] Est-il vraiment possible que l’on décide du bien et du mal des gens en seconde et en troisième instance uniquement sur la base d’actes, autrement dit de documents, mais sans connaître la personne et sa situation ?
SECONDE SITUATION
Ne chercher la solution du problème que dans un généreux élargissement de la procédure de nullité du mariage serait une erreur. On ferait ainsi naître la dangereuse impression que l’Église procède de manière malhonnête pour accorder ce qui, en réalité, est un divorce. […] Par conséquent nous devons également prendre en considération la question plus difficile de la situation du mariage valide et consommé entre baptisés, dans lequel la vie commune matrimoniale a été irrémédiablement brisée et dans lequel l’un des conjoints, ou les deux, ont contracté un second mariage civil.
La congrégation pour la doctrine de la foi nous a déjà donné un avertissement en 1994 lorsqu’elle a indiqué – et le pape Benoît XVI l’a réaffirmé lors de la rencontre internationale des familles à Milan en 2012 – que les divorcés remariés ne peuvent pas recevoir la communion sacramentelle mais qu’ils peuvent recevoir la communion spirituelle. […]
Beaucoup de gens seront reconnaissants de cette réponse, qui constitue une véritable ouverture. Toutefois elle soulève plusieurs questions. En effet, celui qui reçoit la communion spirituelle ne fait qu’un avec Jésus-Christ. […] Alors pourquoi ne peut-il pas recevoir également la communion sacramentelle ? […] D’aucuns soutiennent que la non-participation à la communion est précisément un signe de la sacralité du sacrement. La question qui se pose en retour est : est-ce que faire de la personne qui souffre et demande de l’aide un signe et un avertissement pour les autres n’est pas une instrumentalisation ? La laissons-nous mourir de faim sacramentellement afin que d’autres vivent ?
L’Église des débuts nous fournit une indication qui peut aider à sortir de ce dilemme et à laquelle le professeur Joseph Ratzinger avait déjà fait allusion en 1972. […] Dans chaque Église locale il existait un droit coutumier en vertu duquel les chrétiens qui vivaient une seconde union alors même que leur premier partenaire était encore en vie avaient à leur disposition, après un temps de pénitence, […] non pas un second mariage, mais plutôt, à travers la participation à la communion, une planche de salut. […]
La question est : cette voie qui est au-delà du rigorisme et du laxisme, la voie de la conversion, qui aboutit au sacrement de la miséricorde, le sacrement de pénitence, est-elle également le chemin que l’on peut parcourir en ce qui concerne la question dont nous parlons ?
Un divorcé remarié : 1. s’il se repent de son échec dans son premier mariage, 2. s’il a clarifié les obligations correspondant à son premier mariage, s’il est définitivement exclu qu’il revienne en arrière, 3. s’il ne peut pas renoncer, sans ajouter d’autres fautes, aux engagements qu’il a pris dans le cadre de son nouveau mariage civil, 4. si toutefois il s’efforce de vivre au mieux de ses possibilités son second mariage à partir de la foi et d’élever ses enfants dans la foi, 5. s’il a le désir des sacrements en tant que source de force dans sa situation, devons-nous ou pouvons-nous lui refuser, après un temps de nouvelle orientation, de « metanoia », le sacrement de pénitence puis celui de la communion ?
Cette voie possible ne serait pas une solution générale. Ce n’est pas la voie large de la grande masse, mais plutôt la voie étroite de la partie probablement la plus petite des divorcés remariés, sincèrement intéressée par les sacrements. Ne faut-il pas éviter le pire précisément sur ce point ? En effet, lorsque les enfants des divorcés remariés ne voient pas leurs parents s’approcher des sacrements, d’habitude ils ne trouvent pas non plus le chemin vers la confession et vers la communion. Est-ce que nous ne prendrons pas en compte le fait que nous perdrons aussi la génération suivante et peut-être même celle qui viendra ensuite ? Est-ce que notre pratique confirmée ne se montre pas contreproductive ? […]
LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE DES DÉBUTS
D’après le Nouveau Testament, l’adultère et la débauche sont des comportements en opposition fondamentale avec le fait d’être chrétien. Ainsi, dans l’Église de l’antiquité, l’adultère figurait, à côté de l’apostasie et de l’homicide, parmi les péchés capitaux, qui excluaient de l’Église. […] À propos des problèmes exégétiques et historiques relatifs à cette question il existe une abondante littérature, dans laquelle il est presque impossible de s’orienter, et des interprétations différentes. On peut citer, par exemple, d’une part G. Cereti, « Divorzio, nuove nozze e penitenza nella Chiesa primitiva », Bologne, 1977, 2013, et d’autre part H. Crouzel, « L’Église primitive face au divorce », Paris 1971, et J. Ratzinger, […] 1972, [reproduit] dans « L’Osservatore Romano » du 30 novembre 2011.
Il est indubitable que, dans l’Église des débuts, beaucoup d’Églises locales, en vertu d’un droit coutumier, pratiquaient, après un temps de repentir, la tolérance pastorale, la clémence et l’indulgence.
Il faut peut-être également inclure dans le contexte de cette pratique le canon 8 du concile de Nicée (325), tourné contre le rigorisme de Novatien. Ce droit coutumier est expressément signalé par Origène, qui ne le juge pas déraisonnable. De même Basile le Grand, Grégoire de Nazianze et quelques autres y font référence. Ils expliquent le “pas déraisonnable” par l’intention pastorale d’“éviter le pire”. Dans l’Église latine, l’autorité d’Augustin a conduit à l’abandon de cette pratique au profit d’une autre, plus sévère. Toutefois Augustin lui-même parle, dans un passage, de péché véniel : il ne semble donc pas avoir exclu dès le départ toute solution pastorale.
De même, par la suite, l’Église d’Occident, dans les situations difficiles, a toujours cherché et même trouvé des solutions concrètes, à travers les décisions des synodes et autres du même genre. Le concile de Trente […] a condamné la position de Luther, mais pas la pratique de l’Église d’Orient. […]
Les Églises orthodoxes ont conservé, conformément au point de vue pastoral de la tradition de l’Église des débuts, le principe, qu’elles considèrent comme valide, de l’oikonomia. À partir du VIe siècle, cependant, se référant au droit impérial byzantin, elles ont été au-delà de la position de la tolérance pastorale, de la clémence et de l’indulgence, en reconnaissant également, à côté des clauses relatives à l’adultère, d’autres motifs de divorce, qui partent de la mort morale et pas seulement physique du lien matrimonial.
L’Église d’Occident a suivi un autre parcours. Elle exclut la dissolution du mariage sacramentel entre baptisés quand il est valide et consommé, mais elle connaît le divorce dans le cas d’un mariage non consommé, ainsi que, en vertu du privilège paulin et pétrinien, dans le cas des mariages non sacramentels. À côté de cela, il y a les déclarations de nullité pour vice de forme ; à ce sujet, on pourrait toutefois se demander si ce ne sont pas des points de vue juridiques historiquement très tardifs qui sont mis au premier plan, de manière unilatérale.
J. Ratzinger a suggéré de reprendre d’une manière nouvelle l’opinion de Basile. Il semble que ce soit une solution appropriée, qui est également à la base des réflexions que je vous livre aujourd’hui. Nous ne pouvons pas faire référence à l’une ou l’autre interprétation historique, qui reste toujours sujette à controverse, pas plus que nous ne pouvons reproduire simplement les solutions de l’Église des débuts dans notre situation présente, qui est complètement différente. Cependant, dans la situation actuelle changée, nous pouvons en reprendre les concepts de base et chercher à les concrétiser aujourd’hui, d’une manière juste et équitable à la lumière de l’Évangile.
__________
Le texte intégral du rapport Kasper, rendu public le 1er mars en exclusivité mondiale par le quotidien « Il Foglio » : > « In questo anno internazionale della famiglia… »
__________
Les deux articles de www.chiesa consacrés à la manière d’agir de l’Église des premiers siècles à l’égard des divorcés remariés, avec des références à des textes des Pères de l’Église, des conciles et d’auteurs modernes identiques à ceux qui sont cités par Kasper dans son rapport :
> Quand l’Église de Rome pardonnait les remariages (31.1.2014)
> Le synode à la croisée des chemins, à propos des remariages (7.2.2014)
__________
Sur le front opposé à Kasper, la prise de position dont l’argumentation fait le plus autorité continue à être celle du cardinal Gerhard L. Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, qui a été publiée dans « L’Osservatore Romano » du 23 octobre 2013 : > Sur l’indissolubilité du mariage et le débat sur les divorcés remariés civilement