Synode de la Famille
Réflexions sur les questions concernant les personnes divorcées et Divorcées-remariées
Ce texte fait la synthèse des réactions et réflexions venues au jour lors des rencontres des groupes « Divorcés-Chrétiens – Revivre 74 » de Meythet et Cluses
Comment comprenez-vous la double exigence du christ: l’indissolubilité du mariage et le sens véritable de la miséricorde ? Q20 & 21
Le Christ appelle à un idéal : » Ce queDieu a uni que l’homme ne le sépare pas », mais en même temps le Christ est au plus près de ceux qui souffrent, de ceux qui ont péché. De même l’Église doit rappeler l’idéal du mariage chrétien: image de l’amour indéfectible de Dieu pour son peuple et du Christ pour son Église, mais comme le Christ elle doit se faire proche de ceux qui ont connu l’échec de leur couple, et marcher à leur côté, y compris lorsqu’une seconde union est envisagée sur le chemin de leur reconstruction.
Dans la rencontre avec la samaritaine le christ lui propose l’eau vive alors qu’il sait qu’elle a eu cinq maris et qu’elle vit avec un sixième.
Comment l’église met-elle déjà cela en pratique ? Que proposerions-nous pour aller plus loin ? Q 35 & 36 RS 44-54
L’Église met cela en pratique avec les groupes de parole qui existent dans plusieurs diocèses et qui accueillent les personnes divorcées pour leur offrir un chemin de reconstruction. Il faudrait que ces groupes existent dans tous les diocèses, et que tous les diocèses considèrent cela comme une priorité.
L’accueil et l’accompagnement des couples pour un temps de prière à l’occasion d’un remariage est aussi une expression de la miséricorde de l’Église. Cet accueil et cet accompagnement pour un temps de prière n’est pas toujours fait de manière officielle, certains prêtres le font de leur propre initiative presque en cachette. Il faudrait que cela se fasse comme étant un accueil officiel par l’Eglise diocésaine qui se réjouit d’accompagner le nouveau couple. Rares sont encore les diocèses à avoir agit dans ce sens.
Qu’est-ce qui freinent pour aller plus loin ?
Il existe encore chez de nombreux chrétiens une méfiance et un regard peu charitable sur les personnes divorcées. L’ensemble des communautés dans les diocèses ne semblent pas prêts à accueillir pleinement les divorcés et plus encore les divorcés remariés car elles ne connaissent pas, ou ne veulent pas connaître la souffrance qui découlent du divorce.
Les procédures de reconnaissance de nullité. Q 37
Cette appellation rebute beaucoup de personnes divorcées, il vaudrait mieux appeler cela une reconnaissance de non sacramentalité.
Comme beaucoup de personnes, nous ne pensons pas que cela puisse constituer une solution au problème des divorcés remariés. Il nous semble que seule l’institution pourrait y trouver son compte. En effet la reconnaissance de nullité n’enlèvera rien à tout ce qui a découlé du divorce : culpabilité, perte de confiance, difficultés de toute sorte, fort sentiment d’échec, isolement…. Mais pour l’église tout sera net : il ne se sera rien passé !
Par ailleurs que penser du sacrement de mariage si l’Eglise en reconnaît ensuite la nullité dans un grand nombre de cas ? Le sacrement ne s’en trouvera-t-il pas dévalué ?
Cependant quelques personnes divorcées, très respectueuses de la “loi de l’église“, ne peuvent envisager de se remettre en couple en enfreignant cette loi, et ils souffrent terriblement de la solitude. Pour eux, une simplification de la procédure et la baisse du coût de celle-ci seraient un réel soulagement.
L’accès aux sacrements de la pénitence et de l’eucharistie. Q 38
Quelle différence faites-vous entre « chemin pénitentiel » et « chemins de réconciliation » ?
Le chemin de reconstruction des personnes divorcées peut passer par une nouvelle union: » il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Il ne faut pas qu’à cette occasion ces personnes aient le sentiment que l’Église leur ferme sa porte. Eviter ce sentiment de rejet, cela passe :
- Par un accueil et un accompagnement de ces nouveaux couples vers un temps de prière s’ils le souhaitent, à l’occasion de leur mariage à la mairie.
- Par un accompagnement vers la réintégration sacramentelle.
Celle-ci doit être l’aboutissement d’un cheminement. Chemin de pénitence ou chemin de réconciliation ?
Un chemin de pénitence ?
Toutes les personnes divorcées sont passées par un chemin extrêmement douloureux dont ils ne sont pas sortis indemnes. Pour beaucoup, un long chemin pour retrouver la confiance en soi et dans les autres, un long chemin pour se sortir d’un sentiment de culpabilité, un long chemin aussi de difficultés matérielles de toutes sorte qu’elles ont affrontées bien souvent seules. Il ne nous semble pas “juste“ des les faire replonger dans un chemin de “pénitence“ alors qu’elles ont déjà lourdement payé l’échec de leur premier couple.
Un chemin de réconciliation ?
Le terme nous paraît déjà plus acceptable, mais chemin de réconciliation avec qui ?
- Avec le premier époux ? Pour se réconcilier il faut que les deux le souhaitent et cela n’est que rarement le cas. Pardonner ? Cela est certainement souhaitable ; le pardon apportera la paix. Mais n’est-ce pas beaucoup demander si l’on veut en faire un préalable ? Le pardon est un long chemin et il faudra sans doute y revenir plusieurs fois, peut-être jusqu’à “soixante-dix fois sept fois“ ! Il faudrait plutôt parler d’apaisement dans les relations avec le premier conjoint, surtout s’il y a des enfants.
- Avec eux-mêmes ? Très certainement, nombreux sont les divorcés qui ne parviennent pas à se pardonner à eux-mêmes et là encore, la paix et la joie seront les fruits de cette réconciliation.
- Avec le Seigneur ? nous sommes frappés par le fait que nous n’avons que très peu rencontré des personnes divorcées qui se soient affirmées en rupture avec le Seigneur. Beaucoup au contraire reconnaissent que sur ce chemin douloureux qui a été le leur après la séparation et le divorce, la prière a souvent été pour eux un réconfort.
- Avec l’Église ? C’est sans doute là qu’il y a le plus à réconcilier. Beaucoup ont le sentiment d’avoir été abandonnés et même rejetés sur ce chemin douloureux qu’ils ont suivi. Il leur faudra ainsi “apaiser “ leurs relations avec l’autorité, admettre, sinon comprendre, les raisons des positions de l’Église, accepter de “rentrer“ dans la communauté et de revenir à sa table. Ce doit être un chemin de “retour“ vers la communauté, à l’image du Fils prodigue qui décide de “revenir“ et que son Père accueille sans reproches et sans même lui laisser le temps de demander son pardon. Il l’accueille en l’embrassant et en faisant la fête. Mais l’Eglise et nos communautés sont-elles prêtes à accueillir les divorcés-remariés à la manière du Père de la parabole ?
On peut dire aussi un chemin de lucidité comme l’a fait le fils prodigue : « Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim“ ! »
L’accès aux sacrements de baptême et de confirmation Q 38
L’accès aux sacrements de baptême et de confirmation se pose en particulier pour les personnes qui ont épousé un divorcé sans l’être elle-même. S’i l y a démarche de foi de ces personnes et demande de baptême après un parcours de catéchuménat, quelle sera la réponse de l’évêque consulté ? Selon le diocèse il pourra y avoir accord ou refus !
Se pose aussi une question pour les enfants des couples de divorcés-remariés : Comment ces parents pourront-ils préparer leur enfant à recevoir un sacrement (baptême, communion, confirmation ou pardon) dont ils sont eux-mêmes exclus ?
Il faudrait aussi mettre sur la table tout ce qui n’est pas sacrement mais qui est aussi officiellement ou non, interdit aux personnes divorcées-remariées : être lecteur, donner la communion, être chef d’établissement d’enseignement catholique entre autre, la liste est longue… Le pape François en a parlé.
Quelle est votre attente, que proposeriez-vous pour aller plus loin.
Dans notre diocèse, avec le soutien officiel de notre évêque, nous proposons aux personnes divorcées qui vont se remarier, un accueil et un accompagnement pour préparer avec eux un temps de prière avant leur mariage à la mairie.
Au-delà de cela nous n’avons pas de propositions spécifiques. Une équipe « Reliance » est en gestation depuis longtemps sans avoir encore vu le jour.
Il serait souhaitable de pouvoir proposer, ce parcours de « lucidité-réconciliation ». Ce pourrait être un cheminement par étapes, avec des accompagnateurs, cheminement qui pourrait déboucher sur la réintégration sacramentelle. Il faudrait y réfléchir en diocèse. Cela deviendrait alors une démarche ecclésiale, comme le sont la préparation au mariage, la démarche catéchuménale ou la préparation à la confirmation. Quel beau signe de la miséricorde de l’Eglise cela deviendrait !
Cette réintégration sacramentelle est aussi imaginable après un parcours dans une équipe « Reliance » ou ACI ou autre, sur proposition de toute l’équipe et accord de l’évêque.
Communion « Spirituelle » / Communion « Sacramentelle » ? RS 51 & 52
Il y a lieu de réfléchir à cette distinction. Dans la communion dite “sacramentelle“, si nous reconnaissons recevoir dans l’hostie le corps du Christ, ce n’est pas sa chair que nous mangeons, ce n’est qu’un morceau de pain, ce n’est pas du sang que nous buvons, mais ce que nous recevons c’est la Vie du Christ, mais sa vie de ressuscité, la vie de celui qui nous a dit : “Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps par l’Esprit-Saint que je vous envoie“ . N’est-ce pas un acte éminemment spirituel ? Il faut en passer par une réalité matérielle (le pain) voulue et donnée par le Christ pour vivre la réalité spirituelle du sacrement de l’eucharistie sinon c’est nier l’incarnation du Christ.
Alors si nous comprenons bien cela, que devient la distinction entre Communion Spirituelle et Communion Sacramentelle ? Ne devient-elle pas un simple refus d’accepter à la table les divorcés-remariés ?
Que dirait-on d’un repas de famille où tous seraient invités mais où certains n’auraient pas le droit de manger. Ils n’auraient que le droit d’être-là et de profiter des discussions (la parole) mais pas du repas (le pain). Que dirait-on d’une telle famille ? Le Christ a dit : “Prenez et mangez-en tous“ même à Judas dont il savait qu’il allait le trahir !
La communion au corps du Christ n’est pas une récompense réservée à ceux qui sont dans le droit chemin, elle est avant tout une nourriture et un secours pour les plus pauvres, les “abîmés de la vie“.
Concubinage, mariage civil, mariage sacrement. Q 22, 32,33 RS 41-43
Il faut que l’église abandonne certaines idées fausses. Concubinage ne veut pas systématiquement dire mariage à l’essai !
Pour beaucoup de couples aujourd’hui, il y a dans ces trois états :
Engagement dans la fidélité.
Soutien mutuel.
Acceptation et volonté d’avoir des enfants.
Il n’y a donc pas de différences entre ces trois états, seule le cadre de l’engagement diffère. Dans le concubinage : engagement privé vis-à-vis du seul conjoint. Dans le mariage civil, le couple s’engage l’un envers l’autre dans la société civile. Avec le Sacrement de mariage : engagement devant Dieu dans la communauté chrétienne.
La plus belle preuve de cela c’est que la presque totalité des couples qui se marient à l’église, vivent en concubinage depuis plusieurs années et pour beaucoup ont des enfants. Il faut donc que l’Eglise change son langage.
Exemple de langage qui ne passe plus : la question 33 du questionnaire “ Comment aide-t-elle (la communauté chrétienne) à discerner les éléments positifs de ceux négatifs de la vie des personnes unies par un mariage civil …“. Pour les couples concernés il n’y a rien de négatif dans ce qu’ils vivent, ils n’en sont simplement pas encore à découvrir la beauté du sacrement. Il ne faut pas leur dire qu’il y a du négatif dans leur vie, il faut que la communauté les accompagne pour qu’ils fassent un jour cette découverte.
On peut imaginer concubinage et mariage civil comme des étapes vers le sacrement de mariage ; ne faut-il pas toute une vie pour comprendre toute la profondeur du sacrement de mariage ?
La règle de l’Eglise : ne pas vivre ensemble avant le mariage et ne reconnaître pour les baptisés que le mariage sacrement comme acte valable nous semble obsolète et cela est en plus contraire à la pratique de l’Eglise pendant des siècles.
Beaucoup de couples qui se marient à l’église ne demandent pas forcément le sacrement. Ils demandent à “passer “ à l’église. Un temps de prière bien préparé avec eux correspondrait probablement mieux à leur situation de foi.
Ensuite la communauté chrétienne pourrait leur proposer un chemin de découverte de ce que représente et signifie le sacrement de mariage et les accompagner jusqu’à leur mariage sacrement, peut-être plusieurs années après leur mariage civil.
Ce chemin, parcouru en équipe de plusieurs couples, avec des accompagnateurs, pourrait à la fois les aider dans les premières années de leur mariage et les amener à découvrir la beauté du sacrement et à les y préparer.
Quel beau chemin d’Eglise cela pourrait être !